
Le fonds d’investissement de Tiger Global rattrapé par ses mauvais paris
Vous vous souvenez de l'euphorie qui régnait dans le monde des startups en 2021 ? Les levées de fonds record s'enchaînaient, les valorisations atteignaient des sommets. Au cœur de cette frénésie, un acteur se distinguait par son appétit insatiable pour les jeunes pousses : Tiger Global. Mais aujourd'hui, le fonds d'investissement new-yorkais paie le prix de ses paris hasardeux.
Tiger Global, le tigre qui voulait croquer la tech
Fondé en 2001, Tiger Global s'est taillé une réputation d'investisseur agressif, n'hésitant pas à mettre de grosses sommes sur la table pour s'inviter au capital de startups parfois à peine sorties de terre. Une stratégie qualifiée de "spray and pray" : arroser large en priant pour que ça pousse.
En 2021, dopé par une liquidité abondante et des taux d'intérêt au plancher, Tiger Global est devenu le principal pourvoyeur de capital-risque dans le monde. Rien qu'en 2021, le fonds a investi dans 315 startups selon PitchBook, déclenchant des surenchères qui ont fait flamber les valorisations.
Un appétit d'ogre pour les licornes
Fin 2021, les investisseurs de Tiger Global lui renouvellent leur confiance en apportant 12,7 milliards de dollars pour son 15ème fonds de capital-risque (PIP 15). De quoi continuer la course effrénée aux deals : dès mai 2022, la majeure partie de cette manne était déjà investie.
Mais c'était sans compter le revirement brutal des marchés. Avec la remontée des taux d'intérêt pour combattre l'inflation, les conditions de financement se sont durcies. Et les valorisations des startups se sont effondrées, piégeant les derniers arrivés comme Tiger Global.
La douloureuse gueule de bois
Aujourd'hui, les dégâts sont considérables. Selon un récent rapport de CalSTRS, un des investisseurs de Tiger Global, les pertes sur le fonds PIP 15 atteignaient 15% au 30 juin 2024. Un score qui le place dans les 10% des pires performances pour les fonds de venture capital levés en 2021 d'après PitchBook.
De nombreuses pépites en portefeuille ont été sévèrement dépréciées : -45% pour Superhuman, -72% pour DuckDuckGo, ou encore -94% pour OpenSea selon Bloomberg. Certaines pourraient rebondir, mais pour beaucoup le chemin sera long et périlleux. Symbole des difficultés de Tiger Global, le fonds n'a réussi à lever "que" 2,2 milliards de dollars pour son 16ème véhicule début 2023, loin de ses ambitions initiales.
Un électrochoc pour le capital-risque
Au-delà du cas Tiger Global, c'est tout le secteur du capital-risque qui doit digérer les excès de 2021. Les fonds doivent se montrer plus sélectifs et raisonnables dans leurs investissements, au risque de se brûler les ailes. Comme le souligne un investisseur chevronné :
La période de l'argent facile est révolue. Les fonds vont devoir revenir à plus de rigueur dans l'analyse et la valorisation des opportunités, en se focalisant sur les fondamentaux des entreprises.
Bill Gurley, associé chez Benchmark
Une cure de réalisme douloureuse mais nécessaire pour assainir l'écosystème des startups. Avec en ligne de mire quelques enseignements :
- Valoriser une startup est un exercice délicat qui doit intégrer des paramètres tangibles, au-delà du seul potentiel de croissance.
- Une levée de fonds ne fait pas le succès d'une entreprise. L'exécution et la création de valeur pour les clients restent les clés.
- Dans un marché haussier, méfiance quand tout semble trop beau. Les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel.
Les mésaventures de Tiger Global serviront-elles de leçon aux capital-risqueurs ? Une chose est sûre : la santé du marché des startups dépendra de leur capacité à trouver le bon équilibre entre ambition et raison. Les entrepreneurs devront aussi accepter des valorisations plus mesurées. Bref, un retour à la normale qui pourrait être salutaire pour bâtir une économie de l'innovation plus solide et pérenne.