Le fonds souverain norvégien atteint un niveau record de 20.000 milliards de couronnes
Imaginez un pays où chaque citoyen dispose virtuellement de plus de 300.000 euros sur un compte en banque national. Non, vous ne rêvez pas, il s'agit bien de la réalité en Norvège ! Le fonds souverain du pays, créé en 1996 pour servir d'épargne de précaution, a atteint en juin 2024 la somme astronomique de 20.000 milliards de couronnes, soit environ 1.700 milliards d'euros. Un montant qui dépasse toutes les prévisions et qui représente près de quatre fois le produit intérieur brut annuel du pays. Décryptage d'un succès hors norme.
Une épargne providentielle dopée par le pétrole et le gaz
Pour comprendre l'origine de ce bas de laine gargantuesque, il faut se pencher sur les immenses réserves d'hydrocarbures dont bénéficie la Norvège, notamment en mer du Nord. Depuis les années 1970, l'exploitation du pétrole et du gaz naturel génère des revenus colossaux pour le pays. Mais plutôt que de les dépenser immédiatement, les autorités ont eu la sagesse de les placer sur les marchés financiers via le fonds souverain, géré par la Banque centrale norvégienne.
Cette manne pétrogazière, encore dopée récemment par la flambée des cours suite à la guerre en Ukraine, n'explique cependant pas à elle seule le gonflement spectaculaire du fonds. La Norvège a aussi bénéficié à plein de la hausse généralisée des Bourses mondiales, portée par les politiques monétaires ultra-accommodantes des banques centrales ces dernières années. Résultat, la valeur du fonds a doublé en l'espace de cinq ans seulement, une performance époustouflante !
Un portefeuille d'actifs diversifié à l'international
Loin de se reposer sur ses barils, le fonds souverain norvégien s'est construit pierre après pierre un portefeuille d'actifs des plus diversifiés. Aujourd'hui, il investit :
- 70% dans des actions, détenant en moyenne 1,5% de toutes les sociétés cotées dans le monde ! Microsoft, Apple et Nvidia figurent parmi ses plus gros investissements.
- 25% en obligations, avec une préférence marquée pour la dette américaine. Les bons du Trésor US pèsent à eux seuls 136 milliards de dollars.
- 5% dans l'immobilier et les énergies renouvelables, des placements à plus long terme.
Cette allocation d'actifs, résolument tournée vers l'international, permet au fonds de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et de lisser les performances dans la durée. Une stratégie payante puisqu'il affiche un rendement annualisé de plus de 6% sur les 25 dernières années, et ce malgré des soubresauts boursiers parfois violents comme lors de la crise financière de 2008 ou plus récemment avec le krach lié au Covid-19.
Une gestion encadrée et responsable
Autre clé du succès : le fonds est piloté de manière très professionnelle par un bras armé dédié de la Banque de Norvège, le Norges Bank Investment Management. Ses gérants mettent en œuvre une gestion indicielle et quantitative, qui réplique les grands indices boursiers mondiaux. Pas question donc de jouer aux apprentis sorciers avec l'argent public !
Nous avons une responsabilité envers les générations futures. Le fonds doit être géré de façon prudente et dans une optique de long terme.
Nicolai Tangen, directeur général de NBIM
Le fonds se veut aussi un investisseur responsable et utilise son poids pour faire bouger les lignes en matière de gouvernance, d'éthique ou d'environnement au sein des entreprises dans lesquelles il investit. Il a par exemple exclu de son univers des sociétés impliquées dans le charbon, le tabac ou certaines armes controversées.
Quel usage de ce pactole pour les Norvégiens ?
20.000 milliards de couronnes, c'est donc la bagatelle de 321.000 dollars qui dort virtuellement sur le compte de chacun des 5,6 millions de Norvégiens. De quoi faire rêver ! Pour autant, pas question pour le gouvernement de distribuer cet argent, qui doit profiter aux générations actuelles mais aussi futures.
Seule une petite partie des intérêts générés, autour de 3% par an, est injectée dans le budget de l'État pour financer des dépenses courantes, notamment en matière de santé, d'éducation ou d'infrastructures. Le capital, lui, reste sanctuarisé sur les marchés comme un bas de laine auquel le pays pourra faire appel le jour où la manne pétrolière se tarira.
Ce fonds constitue donc un formidable atout pour la Norvège, lui permettant de préparer l'avenir sereinement malgré une dépendance encore forte aux hydrocarbures. Un modèle vertueux qui pourrait inspirer bien d'autres pays producteurs de pétrole. La recette du succès : anticiper, diversifier et ne pas succomber aux sirènes du court-termisme et de la dépense facile. Des principes de bon sens dont nous ferions bien de nous inspirer tous, États comme individus !