Le géant Lilly ralentit dans la lutte contre le diabète et l’obésité
C'était une success story annoncée. Les traitements révolutionnaires d'Eli Lilly contre le diabète et l'obésité, Mounjaro et Zepbound, promettaient des ventes stratosphériques, dopées par une demande forte face à ces maladies chroniques au lourd impact sanitaire et économique. Mais au troisième trimestre 2024, surprise : le géant américain revoit à la baisse ses ambitieuses prévisions financières, suite à un ralentissement inattendu des ventes de ses deux blockbusters. Que s'est-il passé pour freiner cette envolée ?
Mounjaro et Zepbound, des débuts fulgurants
Rappelons d'abord les faits. Mounjaro (tirzépatide), premier de sa classe à agir à la fois sur les récepteurs du GLP-1 et du GIP, a été approuvé en 2023 aux États-Unis pour le traitement du diabète de type 2. Son lancement a été l'un des plus rapides de l'industrie, générant 3,09 milliards de dollars au premier trimestre 2024, avant de bondir à 3,11 milliards au trimestre suivant.
Dans la foulée, Lilly a lancé Zepbound, version anti-obésité du tirzépatide, avec des résultats impressionnants en termes de perte de poids. Les ventes sont passées de 517 millions de dollars début 2024 à 1,257 milliard au troisième trimestre. Malgré un démarrage canon, cette croissance s'est progressivement tassée au fil des mois.
Éviter une demande supérieure à l'offre
Pourquoi ce coup de frein ? Lilly évoque une promotion volontairement modérée. Le laboratoire n'a pas poussé la communication autant qu'il l'aurait pu, afin d'éviter de créer une demande supérieure aux capacités d'approvisionnement.
Je pense que si nous avions dopé la promotion de Mounjaro et Zepbound sur le trimestre, nous aurions pris le risque de voir le patient se rendre en pharmacie et ne pas avoir son produit.
David Ricks, P-DG de Lilly
En clair, Lilly préfère assurer ses arrières plutôt que de décevoir les patients. Une stratégie prudente qui peut se comprendre, mais qui impacte à court terme la trajectoire financière.
Un dernier trimestre sous tension
Pour le quatrième trimestre 2024, David Ricks prédit un rebond des ventes. Le laboratoire a investi plusieurs milliards de dollars dans ses capacités de production, qui devraient être pleinement opérationnelles d'ici là. L'objectif est d'atteindre une croissance de 50 % sur la deuxième moitié 2024 par rapport à 2023.
En attendant, les analystes et investisseurs restent sur leur faim. La publication des résultats trimestriels a fait chuter le cours de l'action Lilly de plus de 10 %, avant un rebond en cours de journée. Car malgré ce ralentissement passager, le bilan reste solide :
- Croissance globale de 20 % par rapport au T3 2023
- Chiffre d'affaires de 42 % sur un an
La concurrence devrait profiter de cette accalmie pour grignoter des parts de marché. Novo Nordisk mise gros sur son concurrent Ozempic, tandis qu'AstraZeneca accélère le développement de son médicament anti-obésité. La guerre des blockbusters ne fait que commencer.
Un marché bien trop vaste pour s'inquiéter
Au-delà des turbulences boursières, Lilly peut garder confiance en l'avenir. Le marché de l'obésité et du diabète est si vaste qu'il y a de la place pour plusieurs acteurs majeurs. Avec 400 millions de diabétiques dans le monde dont 90 % de type 2, et plus d'un milliard de personnes souffrant d'obésité, les besoins thérapeutiques sont loin d'être comblés.
En capitalisant sur le succès clinique de sa plateforme incrétiné et en continuant d'investir pour soutenir la croissance des ventes, Lilly a clairement le potentiel de s'imposer comme leader sur ces marchés clés. Le géant de l'Indiana a plusieurs coups d'avance. Il lui faudra néanmoins rester vigilant face à une concurrence de plus en plus agressive, et réussir le délicat exercice d'équilibrer volumes et profits pour assurer son développement long terme. Le dernier round de 2024 sera décisif.