
Le gouvernement freine le solaire sur toiture en France
C'est un véritable coup de tonnerre dans le monde des énergies renouvelables. Le gouvernement vient de mettre un sérieux coup de frein au développement du solaire sur toiture en France. Cette décision, qui prend à contre-pied les ambitions affichées en faveur de la transition énergétique, suscite l'incompréhension et l'inquiétude des acteurs du secteur.
Un recadrage brutal des aides au solaire
Le 13 février dernier, le gouvernement a mis en consultation un projet d'arrêté modifiant en profondeur le soutien aux installations solaires sur bâtiments, hangars et ombrières. Avec effet rétroactif au 1er février, ces nouvelles règles du jeu changent complètement la donne :
- Réduction drastique du tarif de rachat du surplus d'électricité produit, qui passe de 12,7 à 4 centimes d'euro.
- Diminution de 40% du montant de la prime versée.
- Aucun projet de moins de 500 kWc ne sera viable économiquement en 2025 selon le Syndicat des énergies renouvelables.
Ce virage à 180 degrés rappelle douloureusement le moratoire de 2010 qui avait stoppé net l'essor du photovoltaïque en France. Les agriculteurs, qui installaient massivement des panneaux sur leurs bâtiments, sont particulièrement impactés.
Vers l'autoconsommation et le Made in Europe
Le gouvernement justifie officiellement ce recentrage par la volonté de favoriser l'autoconsommation plutôt que la revente sur le réseau. En réduisant l'attractivité des tarifs, il veut inciter les particuliers et professionnels à dimensionner leurs installations pour leurs propres besoins.
L'autre raison invoquée est la nécessité de lutter contre la déferlante de panneaux chinois à bas coût. Le ministre de l'Industrie et de l'Énergie, Marc Ferracci, souhaite ainsi "favoriser l'offre industrielle française et européenne". À partir de 2026, un nouveau tarif d'achat sera réservé aux projets s'approvisionnant de façon "résiliente" en Europe.
Nous œuvrons pour que ce soutien soit source de retombées industrielles locales, avec l'introduction de critères permettant de favoriser l'offre industrielle française et européenne.
Marc Ferracci, ministre de l'Industrie et de l'Énergie
Une électrification des usages qui patine
Mais la véritable raison de ce brutal coup de frein serait ailleurs. Le solaire produirait trop d'électricité au mauvais moment, alors que la consommation ne progresse pas aussi vite que prévu. L'électrification de l'industrie, des transports et du chauffage marque le pas, entraînant des prix négatifs sur le marché et obligeant EDF à mettre certains réacteurs nucléaires à l'arrêt.
Bref, le solaire ferait de l'ombre au nucléaire, faute d'avoir suffisamment soutenu la demande et investi dans le stockage et la flexibilité. Les consommations industrielles pilotables, comme la production d'hydrogène par électrolyse, tardent aussi à émerger à grande échelle.
Le risque d'une transition énergétique ralentie
Pour les professionnels du solaire, c'est l'incompréhension. Ils dénoncent une mesure prise dans l'urgence, au risque de manquer d'électricité à moyen terme. Les nouveaux réacteurs nucléaires n'arriveront pas avant 2040 et les grands parcs éoliens offshore avant 2035.
Certains y voient un manque de volonté politique pour réellement soutenir la demande d'électricité verte, que ce soit via les aides à la rénovation énergétique des bâtiments ou le déploiement de bornes de recharge pour véhicules électriques. D'autres regrettent l'absence d'un cadre incitatif poussant les producteurs d'énergies renouvelables à investir dans le stockage par batteries.
Le gouvernement temporise en indiquant que rien n'est encore acté. Des ajustements seraient possibles d'ici la publication de l'arrêté final. Il promet aussi d'intégrer des objectifs ambitieux de consommation et de flexibilité dans la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie.
Reste à savoir si cela suffira à rassurer une filière solaire française à nouveau fragilisée, tiraillée entre objectifs climatiques et enjeux de souveraineté industrielle. La trajectoire de la transition énergétique hexagonale semble plus tortueuse et incertaine que jamais.