Le Procès Squarcini : Un PDG Appelé à Témoigner
C'est un procès hors norme qui s'ouvre ce jeudi au tribunal correctionnel de Paris. Sur le banc des accusés, Bernard Squarcini, l'ancien tout-puissant patron du renseignement intérieur français. Et à la barre des témoins, une figure inattendue : Bernard Arnault, le PDG du leader mondial du luxe LVMH. Un face à face qui promet des révélations explosives.
Bernard Squarcini, du renseignement à la sécurité privée
De 2008 à 2012, Bernard Squarcini était l'homme le plus puissant et le plus secret de France. A la tête de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), il avait accès aux informations les plus sensibles et les plus confidentielles. Une position stratégique qui lui a permis, à sa sortie du service public, de monnayer très cher son carnet d'adresses et son expertise dans le domaine de la sécurité privée.
C'est ainsi qu'en 2013, il devient consultant pour LVMH, qui lui verse la coquette somme de 2,2 millions d'euros en échange de ses services. Un contrat en or sur lequel plane aujourd'hui de lourds soupçons. La justice accuse en effet l'ancien espion d'avoir utilisé les moyens et les réseaux du renseignement à des fins privées, pour le compte du géant du luxe.
L'affaire François Ruffin
L'une des missions présumées de Bernard Squarcini chez LVMH concerne le journaliste et réalisateur François Ruffin. En 2015, ce dernier réalise « Merci Patron ! », un documentaire très critique envers Bernard Arnault et son groupe. Il y dénonce notamment les méthodes de management et les conditions de travail chez LVMH.
Selon l'accusation, l'ex-patron du renseignement aurait alors activé ses réseaux pour collecter illégalement des informations sur le gênant journaliste. Des soupçons de surveillance, de fichage et d'intimidation qui ternissent sérieusement l'image du groupe de luxe et de son dirigeant.
Bernard Arnault à la barre
Que savait exactement Bernard Arnault des agissements de son sulfureux consultant ? C'est à cette épineuse question que le PDG de LVMH va devoir répondre à la barre. Un exercice délicat pour celui qui est habitué à contrôler son image et sa communication.
Lors de l'enquête, le milliardaire a assuré n'avoir été au courant de rien, rejetant la responsabilité du recrutement de Bernard Squarcini sur son bras droit de l'époque Pierre Godé, décédé en 2018. Une ligne de défense qui ne convainc pas vraiment les magistrats instructeurs.
Comment imaginer que le PDG du premier groupe de luxe mondial ait pu ignorer les agissements d'un consultant grassement rémunéré ?
s'interroge une source proche du dossier
LVMH s'est mis hors de cause
Si Bernard Arnault est appelé comme témoin, son groupe LVMH n'est en revanche pas poursuivi dans cette affaire. Et pour cause, la multinationale a accepté en 2021 de payer une amende de 10 millions d'euros pour éviter un procès, dans le cadre d'une Convention Judiciaire d'Intérêt Public (CJIP).
Une transaction qui a permis au mastodonte du luxe de reconnaître des faits de « trafic d'influence » et de « recel de violation du secret professionnel », tout en échappant à des poursuites pénales. Un coup de maître pour l'entreprise, qui a ainsi pu éteindre le volet la concernant dans ce dossier tentaculaire.
Les enjeux du témoignage d'Arnault
En acceptant de payer cette amende record, LVMH espérait certainement refermer définitivement ce chapitre embarrassant de son histoire. C'était sans compter sur la convocation de son emblématique patron à la barre des témoins. Un événement rarissime pour celui qui cultive habituellement la discrétion.
Son audition très attendue permettra-t-elle d'en savoir plus sur les dessous de cette affaire d'État ? Bernard Arnault maintiendra-t-il sa ligne de défense, en rejetant la faute sur son défunt bras droit ? Ses réponses, ou ses silences, seront en tout cas scrutés avec la plus grande attention.
Car au-delà du sort judiciaire de Bernard Squarcini, c'est bien la réputation du leader mondial du luxe et de son charismatique dirigeant qui est en jeu dans ce procès hors norme. Un faux pas pourrait durablement ternir l'image d'une success story à la française.