Le remaniement ministériel : quels impacts pour l’industrie française ?
En cette fin d'année 2024, le nouveau gouvernement mené par François Bayrou vient d'être dévoilé. Si le nombre de ministres a été resserré, passant de 41 à 35 membres, plusieurs nominations à des postes stratégiques attirent l'attention, notamment celles liées à l'industrie et à l'économie. Quels changements et quelles perspectives ces choix laissent-ils présager pour l'avenir de l'industrie française ?
Éric Lombard, un financier à la tête de Bercy
La nomination la plus commentée est sans conteste celle d'Éric Lombard au ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Actuel directeur général de la Caisse des Dépôts, cet homme du sérail financier succède à Antoine Armand. Son profil et son expérience laissent espérer une attention particulière portée aux enjeux de financement et d'investissement, crucial pour soutenir le tissu industriel français.
À ses côtés, Marc Ferracci conserve son portefeuille de l'Industrie auquel s'ajoute désormais celui de l'Énergie. Un cumul bienvenu alors que la transition énergétique et la décarbonation de l'industrie figurent parmi les défis majeurs du quinquennat. Sa connaissance des dossiers et sa proximité avec les acteurs du secteur devraient permettre d'accélérer les réformes.
Clara Chappaz reste aux manettes du numérique
Autre point de stabilité, Clara Chappaz rempile au ministère délégué chargé de l'IA et du numérique. Un signal positif envoyé aux start-up et à l'écosystème de la Tech française dans son ensemble. Sa feuille de route s'annonce chargée avec la mise en œuvre de plusieurs plans ambitieux (quantique, semi-conducteurs, cloud souverain…) et la poursuite des efforts en matière de régulation et de souveraineté numérique au niveau européen.
Les transports et l'écologie, parents pauvres du remaniement ?
Concernant les autres secteurs industriels clés, la nomination de Philippe Tabarot comme ministre délégué chargé des Transports interroge. Si son expérience de sénateur des Alpes-Maritimes peut être un atout, son manque d'expertise sur les sujets ferroviaires et aéronautiques inquiète certains observateurs. Saura-t-il porter les grands chantiers en cours (TGV du futur, avion bas-carbone…) ?
Même questionnement du côté de l'écologie. Agnès Pannier-Runacher conserve son poste mais son ministère a vu son périmètre s'élargir, intégrant biodiversité, forêts, mer et pêche. Cet éparpillement fait craindre une dilution des moyens consacrés à la transition écologique des industries. Un sujet pourtant crucial qui mériterait un ministère dédié selon certains acteurs.
Pas de grand chamboule-tout côté agriculture, défense et commerce extérieur
Dans les autres principaux ministères, une certaine continuité semble prévaloir. Sébastien Lecornu reste aux Armées, un gage de stabilité alors que les tensions géopolitiques demeurent vives. Son challenge sera d'accélérer les livraisons et la modernisation des équipements militaires.
Laurent Saint-Martin hérite lui du commerce extérieur après un court passage au budget. Il devra défendre les intérêts des entreprises françaises à l'international dans un contexte de crises multiples. Enfin, Annie Genevard conserve l'agriculture et la souveraineté alimentaire. Là aussi, l'enjeu sera de renforcer la résilience et la compétitivité de nos filières agricoles et agro-alimentaires.
Avec ce remaniement, François Bayrou envoie des signaux contrastés. Si certains choix apparaissent cohérents, d'autres soulèvent des interrogations quant à la capacité du gouvernement à relever les immenses défis qui attendent notre industrie.
– Marc Sénéchal, économiste
Elisabeth Borne à l'Éducation : et si c'était la nomination clé pour notre industrie ?
Si les projecteurs sont braqués sur Bercy et l'Industrie, c'est peut-être du côté du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qu'il faut chercher l'un des choix les plus déterminants pour l'avenir de notre appareil productif. Avec la nomination d'Elisabeth Borne, l'ancienne Première ministre, c'est un signal fort en faveur de la formation, de l'éducation et de l'innovation qui est envoyé.
Épaulée par Philippe Baptiste au ministère délégué chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, elle aura la lourde tâche de réformer notre système éducatif pour mieux répondre aux besoins de compétences de nos industries. Développement de l'apprentissage, revalorisation des filières techniques et scientifiques, rapprochement entreprises-universités… Les pistes sont nombreuses pour redonner le goût des sciences à notre jeunesse et préparer la relève.
Autre chantier de taille : redonner un cap et des moyens à notre recherche publique, trop souvent à la peine. Des équipes de pointe qui irriguent nos centres de R&D industriels et nourrissent notre souveraineté technologique. Là encore, trouver le bon équilibre entre financement de la recherche fondamentale et soutien à l'innovation sera un défi.
On ne le répètera jamais assez. Il n'y a pas d'industrie forte sans un système de formation et de recherche performant. C'est sur les bancs de nos écoles et dans nos laboratoires que se joue aussi la réindustrialisation du pays.
– Marie Dubois, ingénieure et entrepreneure
En somme, si ce remaniement comporte son lot d'inconnues et d'attentes, il ouvre aussi des perspectives intéressantes pour notre industrie. Aux nouveaux ministres de transformer l'essai. Avec un mot d'ordre : jouer collectif pour redonner à la France sa place de grande puissance industrielle, innovante, souveraine et durable. Le compte à rebours est lancé.