Le remaniement stratégique de Meta dans les affaires publiques
Dans un contexte de relations tendues entre les géants de la tech et le gouvernement américain, Meta vient d'opérer un changement stratégique majeur à la tête de ses affaires publiques mondiales. Le républicain Joel Kaplan, un ancien haut fonctionnaire de l'administration Bush connu pour ses positions conservatrices, a été choisi pour remplacer Nick Clegg et piloter les relations de l'entreprise avec les gouvernements et régulateurs du monde entier. Une nomination qui reflète la volonté de Meta de se rapprocher du pouvoir en place à Washington.
L'irrésistible ascension de Joel Kaplan chez Meta
Arrivé chez Facebook en 2011 en tant que vice-président des affaires publiques, Joel Kaplan gravit rapidement les échelons pour devenir l'un des plus proches conseillers de Mark Zuckerberg. Ancien de Harvard comme le fondateur du réseau social, il met à profit son carnet d'adresses républicain et son expérience des arcanes de Washington pour défendre les intérêts de l'entreprise face aux velléités de régulation.
Sa nomination à la tête des affaires publiques mondiales marque une étape supplémentaire dans son influence sur la stratégie politique de Meta. Joel Kaplan aura la lourde tâche de manoeuvrer dans un environnement de plus en plus hostile aux géants du numérique, symbolisé par la nomination de Gail Slater, une critique virulente des Big Tech, à la tête de la division antitrust du Département de la Justice.
Le départ de Nick Clegg, un tournant
Le départ de Nick Clegg après 4 ans passés à diriger les affaires publiques de Meta marque un tournant. L'ancien vice-Premier ministre britannique et ancien député européen, connu pour ses positions pro-européennes et centristes, avait été recruté en 2018 pour redorer l'image ternie de Facebook après le scandale Cambridge Analytica.
Mon passage dans l'entreprise a coïncidé avec une refonte importante de la relation entre les 'big tech' et les pressions sociétales qui se manifestent par de nouvelles lois, institutions et normes affectant le secteur.
Nick Clegg, ancien responsable des affaires publiques mondiales de Meta
Sous sa direction, Meta a dû composer avec un durcissement réglementaire sans précédent en Europe, du RGPD à l'adoption des lois sur les services et marchés numériques (DSA/DMA). Mais dans un contexte américain polarisé, le profil de cet homme politique de centre-gauche semble être devenu un handicap plus qu'un atout.
Vers un rapprochement avec les républicains ?
Le choix d'un responsable issu des rangs conservateurs pour piloter les affaires publiques apparaît comme un geste d'apaisement envers le camp républicain et l'administration Trump. Meta espère ainsi éviter de subir le même sort qu'Apple et Amazon, dans le collimateur de la nouvelle directrice de l'antitrust Gail Slater.
Pour regagner les faveurs de la Maison Blanche, Mark Zuckerberg multiplie les gestes, du dîner privé avec Donald Trump en novembre dernier au don d'un million de dollars pour son investiture en décembre. Mais cela suffira-t-il à désarmer les velléités de démantèlement qui se font jour des deux côtés de l'échiquier politique ? La marge de manœuvre de Joel Kaplan s'annonce étroite.
Quelle stratégie pour l'avenir ?
Au-delà de la gestion des affaires courantes, le nouveau responsable des affaires publiques de Meta devra définir une stratégie de long terme pour préserver le modèle économique et la liberté d'innovation de l'entreprise dans un contexte de défiance croissante envers la tech. Parmi les sujets brûlants :
- La réforme de la Section 230 qui protège les plateformes de leur responsabilité sur les contenus postés
- Le respect de la vie privée et la portabilité des données entre services
- Les accusations de concurrence déloyale et de position dominante
- La modération des contenus haineux ou complotistes
Autant de défis de taille qui mettront à l'épreuve les talents de négociateur de Joel Kaplan. L'avenir nous dira si ce pari permettra à Meta de sortir de la zone de turbulences où elle se trouve, à l'heure où les vents contraires s'accumulent contre les géants du numérique. Une chose est sûre : l'influence et la marge de manœuvre des GAFAM dans l'élaboration des règles qui les concernent n'a jamais paru aussi fragile.
