Le renouveau du fret ferroviaire en Europe : les défis d’Hexafret
Le 1er janvier 2025 marque un tournant majeur dans l'histoire du transport ferroviaire de marchandises en France et en Europe. Fret SNCF, l'opérateur historique français, laisse place à deux nouvelles entités : Hexafret et Technis. Cette transformation, imposée par Bruxelles pour éviter à Fret SNCF de rembourser une aide publique de 5,3 milliards d'euros, s'accompagne de défis de taille mais aussi de perspectives prometteuses pour l'avenir du fret.
Hexafret et Technis : un nouveau départ
Hexafret reprend le flambeau de Fret SNCF avec pour mission de relancer l'activité fret mise à mal par cette restructuration. L'entreprise s'appuiera sur 4000 salariés et assurera la desserte de 1300 sites industriels et logistiques via plus de 1000 trains longue distance chaque semaine. De son côté, Technis sera en charge de la maintenance des locomotives avec une équipe de 500 personnes.
Si 500 emplois sont supprimés au total, la direction assure qu'aucun licenciement n'aura lieu, les personnels concernés étant reclassés dans d'autres activités du groupe SNCF. Frédéric Delorme, à la tête de Rail Logistics Europe qui chapeaute les nouvelles sociétés, se veut rassurant :
Une des lignes rouges que nous avions fixé était aucun plan de licenciement. Tous les personnels retrouvent un emploi, soit dans le fret pour compenser les départs à la retraite soit dans les TER où il y a beaucoup de besoins.
– Frédéric Delorme, directeur de Rail Logistics Europe
Des objectifs ambitieux malgré les contraintes
Rail Logistics Europe, qui passe du statut de branche à celui de société à part entière, vise un chiffre d'affaires de 1,9 milliard d'euros dès 2025 contre 1,5 milliard en 2020. L'objectif est même d'atteindre 2,5 milliards d'euros à l'horizon 2030. Pour y parvenir, un "budget offensif de reconquête" est prévu afin de compenser le choc de 2024 et retrouver dès 2025 le niveau d'activité de Fret SNCF en 2023, soit 700 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Mais plusieurs obstacles restent à surmonter. Bruxelles exige notamment l'entrée au capital d'un investisseur minoritaire aux côtés de l'État. Son identité et la part qu'il détiendra ne sont pas encore connues, mais ce nouveau partenaire, qu'il soit public ou privé, aura un rôle clé à jouer dans la gouvernance et la stratégie.
Négocier un "accord de transition" avec les syndicats
Autre défi de taille : obtenir l'adhésion des cheminots et de leurs représentants, très remontés contre cette réforme qui signe "la liquidation de Fret SNCF". Si la direction promet de préserver le statut et les avantages des salariés, elle souhaite engager des négociations en vue d'un accord de transition de trois ans visant à :
- Faire évoluer l'organisation et les modes de travail
- Améliorer la productivité
- Partager les fruits de la croissance avec les salariés
Pas sûr cependant que cela suffise à rassurer des syndicats qui dénoncent un "intolérable carnage social", avec "plus de 50 suppressions d'emplois" et "la volonté d'abaisser le cadre et les garanties sociales des cheminots du Fret".
Le fret ferroviaire, un enjeu écologique et économique
Au-delà des questions sociales, l'avenir d'Hexafret et Technis est crucial pour la transition écologique et la compétitivité de l'économie européenne. Le ferroviaire est en effet un mode de transport bien plus propre que la route. Son développement apparaît indispensable pour tenir les engagements climatiques du Green Deal.
Il en va aussi de la souveraineté et de l'indépendance stratégique de l'Europe. Disposer de capacités robustes de fret ferroviaire est essentiel pour sécuriser les approvisionnements, fluidifier les échanges et dynamiser l'activité industrielle du continent.
Les équipes d'Hexafret et Technis l'ont bien compris. Malgré les difficultés et les incertitudes, elles veulent croire en leurs chances de réussite. Leur pari est osé mais porteur d'espoir : celui d'une renaissance du fret ferroviaire européen, alliant performance économique, progrès social et excellence environnementale.