Le SBTi, garant crédible de la décarbonation des entreprises ?
En quelques années, le label SBTi (Science-based Targets initiative) s'est imposé comme le standard de référence pour valider les trajectoires de décarbonation des grandes entreprises au niveau mondial. Mais au-delà de son rôle de certificateur, le SBTi a-t-il un réel impact sur la transformation des modèles économiques vers la neutralité carbone ?
Un label exigeant pour aligner les entreprises avec l'Accord de Paris
Lancé en 2015 après la COP21, le SBTi rassemble aujourd'hui plus de 5500 entreprises dans le monde, dont 400 en France, qui se sont engagées à définir une trajectoire climat compatible avec une limitation du réchauffement à +1,5°C. Pour obtenir la validation, les entreprises doivent soumettre un dossier détaillé:
- Bilan carbone complet (scopes 1, 2 et 3)
- Stratégie de réduction d'émissions à court et long terme
- Plan d'action et investissements associés
Si 35% des dossiers nécessitent des ajustements et 15% sont rejetés, notamment en raison du recours à la compensation carbone, la majorité des entreprises parviennent finalement à décrocher le précieux sésame. Une fois labellisées, elles peuvent communiquer sur leur feuille de route climat, comme l'équipementier Forvia qui vise la neutralité carbone en 2045 via la montée en puissance des énergies renouvelables et l'intégration de matériaux biosourcés.
Des niveaux d'engagements très hétérogènes
Mais derrière ces belles intentions, les analystes pointent des niveaux de maturité très différents. Si certaines entreprises prennent la mesure des changements profonds de leur modèle économique induits par une vraie trajectoire de décarbonation, d'autres se contentent encore de viser des objectifs de réduction sans réelle transformation de leur cœur d'activité.
Nombre d'entreprises se contentent de beaux discours sans remettre en question leur business model. Le SBTi coche des cases mais n'analyse pas fondamentalement les engagements.
David Begenau, consultant chez Ekodev
Le suivi des trajectoires validées représente un autre point faible. Une fois labellisées, les entreprises ne font a priori l'objet d'aucun contrôle, notamment sur l'avancement de leur scope 3 (émissions indirectes). Le SBTi promet de renforcer son dispositif de vérification des progrès réels, sans pour autant se transformer en gendarme climatique.
Un aiguillon pour transformer les modèles économiques
Au-delà de ses imperfections, des études montrent que le SBTi a un impact positif sur les entreprises labellisées. Comparées à leurs homologues, elles rapportent des investissements plus importants dans des initiatives de réduction d'émissions et progressent plus vite sur leurs scopes 1 et 2 (émissions directes).
Pour aller plus loin, le SBTi doit toutefois surmonter plusieurs défis : renforcer ses critères pour pousser à une transformation plus rapide et profonde des entreprises, développer des méthodes spécifiques pour des secteurs comme les hydrocarbures, assurer un suivi de la mise en œuvre des engagements.
Malgré ses limites, le SBTi a le mérite de poser la question de l'alignement des stratégies d'entreprises avec les objectifs climatiques. Un défi majeur qui appelle sans doute de nouveaux outils, au-delà de la seule logique du volontariat. La décarbonation est une course contre la montre qui se gagnera avec l'implication de tous les acteurs.
