
L’École Jules Richard : Former l’Industrie de Demain
Dans une ruelle discrète du 19e arrondissement de Paris, à l’ombre des arbres des Buttes-Chaumont, une institution presque centenaire défie le temps. L’École Jules Richard, nichée dans un bâtiment de briques rouges, forme des jeunes aux métiers de l’industrie, avec une spécialité rare : les microtechniques. Dans une ville où les usines ont peu à peu disparu, cet établissement incarne un pont entre passé industriel et avenir innovant. Comment cette école, sauvée de justesse en 2022, parvient-elle à former les talents de demain tout en restant fidèle à sa mission d’inclusion ?
Une École Ancrée dans l’Histoire, Tournée vers l’Avenir
Fondée il y a un siècle, l’École Jules Richard porte l’héritage d’un industriel visionnaire qui souhaitait former ses ouvriers dans un Paris encore marqué par les cheminées d’usines. Aujourd’hui, cet établissement privé, gratuit et laïc, sous contrat avec l’État, continue de former environ 170 élèves, principalement en bac pro (STI2D et Microtechniques) et en BTS Conception et industrialisation en microtechniques (CIM). Mais son ambition va bien au-delà : elle veut être un moteur d’inclusion sociale pour des jeunes souvent éloignés du système scolaire classique.
En 2022, l’école a frôlé la fermeture. C’est le groupe SOS, connu pour ses actions dans le secteur sanitaire et social, qui l’a reprise, voyant dans cette institution un moyen de répondre aux enjeux de souveraineté industrielle. « L’industrie, c’est aussi une question d’autonomie nationale, explique Thibault Ronsin, DRH du groupe SOS. Former des techniciens qualifiés, c’est contribuer à un avenir où la France maîtrise ses savoir-faire. »
L’ADN de l’École Jules Richard, c’est de donner une chance à tous, même à ceux qui se sentent en décalage avec l’école traditionnelle.
– Thibault Ronsin, DRH du groupe SOS
Une Pédagogie Innovante au Service de l’Industrie
Ce qui distingue l’École Jules Richard, c’est sa pédagogie par projets. Les élèves, qu’ils soient en bac pro ou en BTS, travaillent sur des projets concrets, souvent en lien avec des industriels. Par exemple, en 2024, des étudiants de BTS CIM ont conçu un « rôdeur » de pneus pour BMW Motorrad, une pièce qui améliore la sécurité des motards. Cette année, ils planchent sur la réutilisation de protections de lunettes pour un club de motocross. Ces projets, validés par l’Éducation nationale, permettent aux élèves de toucher du doigt la réalité des métiers industriels.
Dans les ateliers, le mélange de tradition et de modernité est frappant. Au rez-de-chaussée, un grand espace abrite des machines à commande numérique, une presse à injection plastique et même une machine à électroérosion. À l’étage, des tours et fraiseuses conventionnels cohabitent avec des découpeuses laser flambant neuves, installées pour la rentrée 2025. « Les industriels apprécient toujours le savoir-faire manuel, explique Stéphane Galtayries, professeur et ancien élève. Mais nous intégrons aussi les nouvelles technologies pour rester attractifs. »
La nouvelle filière Modélisation et prototypage 3D (MP3D), ouverte cette année, illustre cette volonté d’innovation. Elle vise à capter l’intérêt des jeunes générations, fascinées par les technologies de pointe comme l’impression 3D.
Des Parcours Inspirants pour une Industrie Inclusive
L’École Jules Richard se distingue aussi par sa capacité à attirer des profils variés. Andrea Fernandez-Grimaud, 19 ans, en deuxième année de BTS CIM, incarne cette diversité. Après une première année de double licence en droit et médecine, elle est revenue à l’école pour se former aux microtechniques. « Je veux devenir sage-femme en Suisse, mais je financerai mes études en travaillant dans les microtechniques, très demandées là-bas », confie-t-elle. Son projet ? Concevoir des pièces médicales pour les sages-femmes, un pont entre ses deux passions.
Yohan Marty-Langlois, également 19 ans, a un rêve plus inattendu : concevoir des attractions pour fêtes foraines. Après un bac STI2D, il poursuit en BTS CIM et vise un diplôme d’ingénieur en mécanique. « Ici, j’ai appris à penser différemment, à voir les possibilités qu’offre l’industrie », explique-t-il. Ces parcours montrent comment l’école parvient à transformer des jeunes en rupture scolaire en futurs professionnels ambitieux.
Les microtechniques, c’est un passeport pour des secteurs variés : le luxe, l’aéronautique, la santé… On apprend à tout faire !
– Stéphane Galtayries, professeur à l’École Jules Richard
Un Objectif Ambitieux : 300 Élèves d’ici 2030
Depuis sa reprise par le groupe SOS, l’école ne manque pas de projets. L’objectif ? Passer de 170 à 300 élèves d’ici 2030. Pour y parvenir, elle mise sur plusieurs leviers :
- Développer l’alternance grâce au CFA du groupe SOS, pour faciliter l’insertion professionnelle.
- Nouer des partenariats industriels pour enrichir les projets pédagogiques.
- Proposer de la formation continue pour les professionnels, en ouvrant les ateliers aux entreprises.
Camille Gady, nouvelle directrice générale, insiste sur l’importance de collaborer avec d’autres établissements. « Nous formons des techniciens, mais nous devons travailler avec les écoles d’ingénieurs et les écoles de production pour répondre aux besoins de l’industrie. »
Un Centre de Ressources au Cœur de Paris
L’un des atouts majeurs de l’École Jules Richard est son emplacement. Située au cœur de Paris, dans une région où l’industrie reste dynamique, elle ambitionne de devenir un centre de ressources partagées. « Nos plateaux techniques sont sous-utilisés, regrette Thibault Ronsin. Ils pourraient accueillir des formations ou des événements pour les entreprises. »
Cette ouverture au territoire est essentielle pour assurer la pérennité financière de l’école. En parallèle, elle cherche à renforcer ses liens avec les industriels franciliens, qui pourraient bénéficier de ses équipements modernes et de son savoir-faire unique en microtechniques.
Les Microtechniques : un Secteur d’Avenir
Les microtechniques, au cœur de la formation dispensée à l’École Jules Richard, sont un domaine en pleine expansion. Elles englobent la conception et la fabrication de pièces de haute précision, utilisées dans des secteurs aussi variés que le luxe, l’aéronautique, la santé ou encore la maroquinerie. Avec un taux de réussite de 85 % pour ses élèves, l’école prouve qu’il est possible de conjuguer excellence technique et inclusion.
Pourtant, les défis restent nombreux. Attirer plus de jeunes filles – elles ne sont que 8 cette année, contre 4 l’an dernier – est une priorité. L’école mise sur des campagnes de communication ciblées et des témoignages inspirants, comme celui d’Andrea, pour montrer que l’industrie est accessible à tous.
Un Modèle pour l’Éducation de Demain
L’École Jules Richard n’est pas qu’un lieu de formation. C’est un symbole de résilience et d’innovation. En mêlant savoir-faire traditionnel et technologies modernes, en plaçant l’inclusion au cœur de sa mission, elle montre qu’il est possible de réinventer l’éducation professionnelle. Alors que l’industrie française cherche à se réinventer, cette école parisienne pourrait bien devenir un modèle pour d’autres établissements.
Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a visité l’école le 5 septembre 2025. Une reconnaissance officielle de son rôle dans la formation des talents de demain. Mais pour les élèves et les professeurs, l’essentiel est ailleurs : dans les projets concrets, les réussites individuelles et l’espoir d’un avenir où l’industrie redeviendra une fierté nationale.
Pourquoi l’École Jules Richard Compte
En résumé, l’École Jules Richard incarne une vision de l’éducation où l’inclusion, l’innovation et l’ se rencontrent. Voici ses forces :
- Une pédagogie par projets qui donne du sens aux apprentissages.
- Des équipements modernes, entre tradition et technologies de pointe.
- Un engagement fort pour l’inclusion sociale et l’égalité des chances.
- Une ambition de croissance, avec un objectif de 300 élèves d’ici 2030.
À une époque où l’industrie doit se réinventer pour répondre aux défis de la transition écologique et de la souveraineté nationale, l’École Jules Richard montre la voie. En formant des techniciens passionnés et polyvalents, elle prouve que l’avenir de l’industrie peut s’écrire au cœur de Paris.