L’élection roumaine annulée sur fond de manipulation sur TikTok
Un véritable séisme politique secoue actuellement la Roumanie. À seulement deux jours du second tour de l'élection présidentielle, la plus haute instance juridique du pays a pris une décision radicale : annuler purement et simplement le scrutin. En cause, la révélation d'une vaste campagne de manipulation sur TikTok visant à favoriser le candidat prorusse Calin Georgescu.
Ce revirement de situation intervient alors que les 18 millions d'électeurs roumains s'apprêtaient à départager, ce dimanche, les deux finalistes de cette élection cruciale pour l'avenir du pays. Dans son communiqué, la Cour constitutionnelle justifie sa décision par la nécessité de "garantir l'exactitude et la légalité" du processus démocratique, qui devra donc être intégralement rejoué.
Des documents secrets révèlent l'ampleur de la manipulation
Pour prendre cette mesure d'exception, la Cour s'est appuyée sur des documents confidentiels du renseignement roumain, déclassifiés la veille. Ces derniers mettent en lumière les rouages d'une opération d'influence de grande ampleur, orchestrée sur TikTok en faveur de Calin Georgescu, candidat nationaliste proche de Moscou.
Georgescu, 62 ans, était un parfait inconnu sur la scène politique il y a encore quelques mois. Mais à la surprise générale, il est arrivé en tête du premier tour avec 23% des voix, éliminant d'office le Premier ministre Marcel Ciolacu. Une ascension éclair qui a très vite éveillé les soupçons du gouvernement, pointant du doigt le traitement préférentiel dont aurait bénéficié le candidat sur TikTok.
Une armée d'influenceurs grassement rémunérés
Les documents secrets confirment ces accusations, révélant une campagne agressive de promotion destinée à doper artificiellement la popularité de Georgescu sur le réseau social prisé des jeunes. Concrètement, son équipe a rémunéré de nombreux influenceurs locaux - à partir de 100 dollars pour 20 000 abonnés - pour qu'ils appellent à voter en faveur d'un "candidat idéal", sans pour autant le nommer explicitement.
Après publication de ces contenus sponsorisés, une armada de faux comptes venaient commenter les vidéos avec des messages pro-Georgescu. Au total, les services secrets ont identifié pas moins de 25 000 profils TikTok associés à cette campagne souterraine. Certains utilisaient même illégalement des logos d'institutions officielles pour faire croire à un soutien des autorités.
Le spectre de l'ingérence russe
Par ailleurs, les systèmes électoraux roumains ont essuyé plus de 85 000 cyberattaques provenant de 33 pays différents. Selon le renseignement, plusieurs comptes impliqués avaient déjà servi par le passé à relayer des messages pro-russes et anti-occidentaux. Autant d'éléments qui font peser de lourds soupçons d'ingérence de Moscou dans ce scrutin.
Les autorités dénoncent une ingérence extérieure significative et des tentatives de modifier les informations électorales destinées au public.
Sans surprise, le Kremlin réfute en bloc ces "accusations absurdes et infondées" et crie à l'acharnement anti-russe. Mais pour Bucarest, la manipulation est avérée. Le gouvernement doit maintenant fixer un nouveau calendrier électoral en espérant que le prochain scrutin se déroulera dans des conditions plus transparentes. Un défi de taille à l'heure où les réseaux sociaux s'imposent comme le nouveau terrain de jeu favori de la désinformation politique.