L’énergie géothermique supercritique : un rêve impossible ?
Et si l'humanité avait sous ses pieds la clé de son avenir énergétique ? C'est la promesse de la géothermie supercritique, une technologie émergente qui vise à exploiter la chaleur extrême contenue dans les profondeurs de la Terre. Mais entre rêve et réalité, le chemin est encore long et semé d'embûches.
Un potentiel énergétique illimité
Contrairement à la géothermie traditionnelle qui se limite à des zones volcaniques ou des sources chaudes, la géothermie supercritique promet de pouvoir s'implanter partout dans le monde. Le principe est simple : forer jusqu'à des profondeurs extrêmes, entre 2 et 20 km, pour atteindre des poches de magma ou la chaleur intense du manteau terrestre.
À ces profondeurs, l'eau injectée se retrouve dans un état supercritique, c'est-à-dire ni liquide ni gazeux, sous une pression dépassant les 220 bars. Cette eau supercritique peut alors stocker 4 à 10 fois plus d'énergie que la vapeur utilisée dans les centrales géothermiques classiques. Résultat : une seule installation pourrait générer jusqu'à 50 MW, soit l'équivalent de 42 puits conventionnels !
Sur le papier, la géothermie supercritique offre donc une source d'énergie propre, renouvelable et inépuisable. De quoi répondre durablement aux besoins énergétiques croissants de l'humanité, tout en luttant contre le changement climatique. Mais en pratique, les défis à relever sont gigantesques.
Forer l'impossible
Pour atteindre les couches géologiques propices à la géothermie supercritique, il faut traverser ce que les scientifiques appellent la zone de transition fragile-ductile (BDTZ en anglais). À ces profondeurs et sous l'effet de la chaleur intense, la roche perd sa fragilité et devient malléable comme de la pâte à modeler. Un véritable cauchemar pour les foreurs !
Forer à travers la BDTZ nécessite une compréhension approfondie de la zone de forage pour trouver des points entièrement fragiles - si de tels points existent.
Karthik Subramanian, analyste chez Lux Research
Outre la roche ductile, les forages doivent aussi composer avec des températures extrêmes, des pressions écrasantes et des gaz volcaniques corrosifs comme le dioxyde de soufre. Autant de contraintes qui poussent les technologies de forage dans leurs derniers retranchements, avec un coût faramineux à la clé.
Des pistes pour dépasser les limites
Face à ces obstacles, certains experts comme Karthik Subramanian jugent la géothermie supercritique peu probable, voire impossible, avec les technologies actuelles. Mais d'autres entrevoient des solutions innovantes pour surmonter l'insurmontable.
La start-up Quaise, soutenue par le MIT, planche ainsi sur un système de forage par faisceau de particules. Baptisé "gyrotron", il serait capable de fracturer, fondre et vaporiser la roche récalcitrante par des micro-ondes de forte puissance. Une autre piste serait de refroidir temporairement la roche en y injectant de l'eau avant le forage.
Quoi qu'il en soit, la géothermie supercritique n'en est encore qu'à ses balbutiements. Il faudra sans doute des décennies de recherche et des investissements colossaux avant de voir émerger les premières centrales opérationnelles. Mais face à l'urgence climatique, peut-on se permettre de ne pas explorer cette voie prometteuse ?
Si les verrous technologiques finissent par sauter, la géothermie supercritique pourrait bien s'imposer comme un pilier incontournable de la transition énergétique. Une énergie d'avenir, au propre comme au figuré, qui sommeille sous nos pieds. Encore faut-il réussir à la dompter.