
L’Envolée des Câbliers Européens pour l’Électrification de l’Économie
Alors que l'Europe accélère sa transition énergétique, un secteur industriel en particulier se retrouve sous le feu des projecteurs : celui des fabricants de câbles électriques. Ces entreprises jouent un rôle clé pour électrifier l'économie du continent et raccorder les nouvelles capacités renouvelables. Face à une demande qui explose, les géants européens du câble comme l'italien Prysmian, le français Nexans ou le danois NKT mettent les bouchées doubles pour augmenter leur production.
Une course effrénée pour répondre aux besoins
Les gestionnaires de réseaux électriques européens tirent la sonnette d'alarme. Avec les dizaines de gigawatts d'éolien et de solaire à raccorder et l'électrification croissante des usages, la demande en câbles à haute tension s'envole. En France, RTE prévoit que ses besoins annuels en câbles souterrains passeront de moins de 800 km avant la crise du Covid à 2000 km d'ici 2 ou 3 ans. Une tendance similaire s'observe partout en Europe.
Face à cela, les fabricants de câbles n'ont d'autre choix que d'investir massivement pour augmenter leurs capacités de production :
- Prysmian injecte 66 millions d'euros sur son site français de Gron (Yonne) et 39 millions à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne).
- Nexans lance un programme de 81 millions d'euros à Charleroi en Belgique, 15 millions à Bourg-en-Bresse (Ain), 290 millions à Halden en Norvège, etc.
- Le danois NKT et le portugais Solidal suivent le mouvement.
En tout, ce sont des centaines de millions, voire des milliards d'euros qui sont engagés par le secteur pour répondre à la demande. Les usines tournent à plein régime et les embauches se multiplient.
Des commandes record
Les carnets de commandes des câbliers n'ont jamais été aussi remplis. Pour sécuriser ses approvisionnements, RTE en France a passé une précommande record de 5000 km de câbles fin 2024, représentant près de 1 milliard d'euros. Aux Pays-Bas, TenneT a signé un contrat de 5,5 milliards d'euros avec les câbliers pour plus de 10 000 km à livrer d'ici 2032. Et ce n'est qu'un début.
Il faudra construire environ 40 000 km de lignes électriques à haute tension, nouvelles ou rénovées, en Europe d'ici 2030 selon l'ENTSO-e. Près de la moitié passera par des liaisons enterrées ou sous-marines.
Un chiffre colossal qui montre l'ampleur du défi industriel à relever pour les fabricants de câbles. Ceux-ci s'attendent à ce que la demande européenne continue de croître au moins jusqu'en 2030.
Nexans affiche ses ambitions
Numéro 2 mondial des câbles, le français Nexans compte bien profiter de cette manne. Le groupe a présenté fin 2024 un ambitieux plan stratégique et d'investissements pour les 4 années à venir baptisé "Sparking electrification".
Nous prévoyons 1,2 milliard d'euros d'investissements dans l'innovation et la modernisation de nos usines, ainsi que plus de 2 milliards d'acquisitions stratégiques.
Christopher Guérin, PDG de Nexans
Le dirigeant mise notamment sur les segments de la haute tension (interconnexions, fermes éoliennes en mer) et de la distribution d'électricité pour accompagner l'électrification des usages. Nexans a aussi inauguré en 2022 à Lyon un centre de recherche dédié au recyclage des câbles, un enjeu majeur pour réduire l'empreinte environnementale du secteur.
Des projets d'usines géantes
La taille des projets à raccorder pousse les industriels à voir toujours plus grand. Nexans vient d'annoncer un investissement de 200 millions de dollars pour construire une méga-usine de câbles haute tension aux États-Unis, sa première sur le sol américain. Le site pourra produire jusqu'à 1000 km de câbles par an à partir de 2025.
De son côté, Prysmian envisage de nouvelles unités de production XXL en Italie et en Allemagne pour répondre aux besoins croissants en câbles terrestres et sous-marins des années à venir. Le groupe transalpin table sur une croissance organique annuelle de 6 à 8% jusqu'en 2025 dans ce segment.
Des défis à surmonter
Si les perspectives sont prometteuses, les câbliers font face à plusieurs obstacles. Le coût des matières premières comme le cuivre et l'aluminium reste élevé et volatil. L'inflation sur les coûts de production rogne les marges. Les problèmes d'approvisionnement persistent sur certains composants.
Surtout, la pénurie de main d'œuvre qualifiée devient criante, des ouvriers aux ingénieurs spécialisés. Les fabricants de câbles, qui recrutent à tour de bras, n'échappent pas aux tensions sur le marché du travail. Des freins qui pourraient ralentir le rythme effréné que le secteur doit tenir pour électrifier l'Europe.