Leo Frank : L’industriel lynché, victime d’un crime raciste
Il était une fois en Amérique, en 1913, dans le Sud ségrégationniste. Leo Frank, jeune ingénieur juif de 29 ans, venait de prendre les rênes de la National Pencil Company à Atlanta. Brillant et prometteur, rien ne le destinait à devenir le symbole tragique de l'antisémitisme déchaîné. Jusqu'à ce 26 avril où une de ses ouvrières de 13 ans, Mary Phagan, est retrouvée morte dans la cave de l'usine. Étranglée, battue, peut-être violée.
Le dernier à l'avoir vue vivante ? Leo Frank, pour lui remettre sa paye. Nerveux et distant, le voici propulsé suspect numéro 1. Qu'importe les incohérences, un autre suspect - noir - qui se contredit, une enquête bâclée. Pour la presse, le coupable idéal est tout trouvé : le "pervers juif".
Un procès joué d'avance
Dès l'ouverture de son procès le 28 juillet, Leo Frank est condamné. Dans une ambiance électrique, le procureur dresse le portrait d'un prédateur lubrique et dépravé. Certains témoins se contredisent, d'autres se rétractent. Qu'importe. Après 4 semaines, le verdict tombe : coupable, condamné à mort.
Ses avocats multiplient les appels, retardant l'inévitable. Le gouverneur, convaincu de son innocence, commue sa peine. Trop peu, trop tard. Dans la nuit du 16 août 1915, une foule venue se faire justice kidnappe Leo Frank et le pend à un arbre, devant une foule en liesse.
Un homme brisé, un symbole
Derrière les barreaux, le supplice de Leo Frank aura duré 2 ans. Humilié, agressé, la gorge tranchée par un codétenu. Un calvaire qui ne prit fin que dans cette sinistre nuit d'août. L'image de son corps supplicié deviendra une carte postale prisée, un trophée de chasse morbide.
Aujourd'hui encore, son innocence ne fait guère de doute. Le verdit entaché d'antisémitisme sera cependant maintenu. En réaction naîtront l'Anti-Defamation League et un Ku Klux Klan revigoré. L'affaire Leo Frank restera le symbole de la haine antisémite ayant gangréné l'Amérique.
Leo Frank aura été broyé par une machine judiciaire bien plus soucieuse de flatter l'opinion publique que de rendre la justice.
Les leçons de l'histoire
Plus d'un siècle après, que retenir de ce drame ? Que la justice doit rester sourde aux sirènes de la vindicte. Que la haine de l'autre n'épargne aucune sphère, pas même le monde industriel. Que le chemin vers une société débarrassée des préjugés est encore long.
L'histoire de Leo Frank, si elle semble appartenir à un lointain passé, nous rappelle la fragilité de la raison face aux passions aveugles. Puisse son sacrifice ne pas avoir été vain et éclairer les consciences. Pour que plus jamais la justice ne s'incline devant la foule. Pour que plus jamais un innocent ne soit broyé sur l'autel de la haine.
