L’EPR de Flamanville 3 connecté au réseau électrique
C'est l'aboutissement de longues années d'un chantier colossal. Ce vendredi 20 décembre, EDF s'apprête à franchir une étape cruciale dans le démarrage de son réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche) : le premier couplage au réseau électrique national. Près de 12 ans après la date initialement prévue, et pour un coût qui a plus que quadruplé, c'est un moment fort pour la filière nucléaire française.
Un jalon clé dans la mise en service de l'EPR
Vers 23h, lorsqu'il aura atteint environ 20% de sa puissance nominale, le réacteur de 1650 MW sera synchronisé au réseau de transport d'électricité. Cette étape fait suite au chargement du combustible en mai, puis à la première réaction en chaîne auto-entretenue (divergence) en septembre.
Mais le chemin est encore long avant une exploitation commerciale à pleine puissance, prévue à l'été 2025. D'ici là, près de 200 essais restent à mener, avec une dizaine d'arrêts et redémarrages du réacteur. L'objectif : tester le bon fonctionnement de tous les systèmes, y compris dans des situations dégradées, pour garantir une sûreté optimale.
Des tests sous haute surveillance
Parmi les vérifications clés, EDF simulera par exemple une perte de l'alimentation électrique externe, ou encore un arrêt d'urgence avec passage de 100% à 0% de puissance en quelques secondes. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) validera les résultats à différents paliers : 25%, 60% et 80% de la puissance nominale.
Ce réacteur va devoir explorer tout son domaine de fonctionnement pendant des mois avant d'atteindre 100% de puissance et être bon pour des décennies d'exploitation.
Régis Clément, directeur adjoint division nucléaire EDF
Rendez-vous en 2026 pour une première révision
Après sa mise en service, l'EPR subira sa première "visite complète" au printemps 2026. Cet arrêt technique d'au moins 250 jours vise à inspecter en détail les équipements, tester sous haute pression le circuit primaire, et remplacer le couvercle de la cuve défectueux. Le réacteur devrait alors avoir déjà produit environ 14 TWh d'électricité.
Un projet à 13 milliards d'euros
Lancé en 2007, le chantier de l'EPR de Flamanville a accumulé les déboires : défauts de conception, problèmes de soudures, anomalies sur la composition de l'acier... Résultat, la facture atteint désormais 13,2 milliards d'euros, soit plus de quatre fois le devis initial, pour un retard de 12 ans sur le planning prévu.
Malgré ces difficultés, EDF compte sur ce réacteur de 3ème génération pour renforcer la production électrique française. Une fois à pleine puissance, il pourra alimenter l'équivalent de deux millions de foyers. Dans le contexte actuel de crise énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique, c'est un atout de taille pour assurer la transition bas-carbone.
Le nucléaire, pilier de la souveraineté énergétique
Avec ce nouveau réacteur, la France consolide son parc nucléaire, qui fournit déjà plus de 70% de son électricité. Un choix stratégique réaffirmé par le président Emmanuel Macron, qui a annoncé en février son intention de construire au moins six nouveaux EPR d'ici 2050.
Objectif : garantir l'indépendance énergétique du pays tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre. Un pari technologique et industriel majeur, alors que la filière doit par ailleurs engager la prolongation de ses centrales existantes et préparer le renouvellement d'une large part de ses effectifs.
Un nouveau départ pour la filière
Au-delà de sa dimension symbolique, le couplage de l'EPR de Flamanville représente donc une victoire cruciale pour EDF et l'ensemble de la filière nucléaire française. Après des années de doutes et de critiques, elle démontre sa capacité à mener à bien un projet d'une extrême complexité technologique.
Un succès qui ouvre la voie aux futurs EPR 2, optimisés pour être moins chers et plus rapides à construire. De quoi redonner confiance aux investisseurs et aux pouvoirs publics, alors que le nucléaire s'impose comme un pilier incontournable de la transition énergétique mondiale. Une belle revanche pour cette industrie d'excellence tricolore.
