Les biotechs françaises à la recherche de financements
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les innovations médicales mettent parfois si longtemps à arriver jusqu'aux patients ? L'une des principales raisons se trouve du côté du financement. En France, un secteur est particulièrement touché par ce problème : celui des biotechnologies. Zoom sur la situation préoccupante des biotechs françaises, qui peinent à se financer malgré des fondamentaux solides.
La biotech française en chiffres : des signaux inquiétants
Selon le panorama annuel de France Biotech, association qui représente les entrepreneurs de l'innovation en santé, les difficultés s'accumulent pour les PME du secteur :
- 44 entreprises ont mis la clé sous la porte en 2024 contre 39 en 2023
- Les emplois directs générés par la filière sont en baisse
- 14% des entreprises ont réalisé des licenciements en 2024 (vs 7% en 2023)
Frédéric Girard, président de France Biotech, tempère : "En dépit d'un contexte économique incertain, la filière continue d'afficher une croissance solide". Le chiffre d'affaires global et les dépenses de R&D progressent. Et près de 83% des PME comptent recruter en 2025.
Des partenariats salvateurs avec l'industrie pharmaceutique
Pour compenser leurs difficultés de financement, les biotechs peuvent compter sur une dynamique positive du côté des partenariats avec les grands laboratoires. Après une année 2023 en demi-teinte, 2024 a vu la signature de 359 accords, en majorité des opérations d'acquisition de droits. On peut citer les deals exemplaires entre :
- La biotech Treefrog Therapeutics et Vertex
- Medincell et AbbVie
Un écart qui se creuse avec les États-Unis
Le financement reste la première préoccupation de 63% des entrepreneurs du secteur, qui anticipent des difficultés à renforcer leur trésorerie. Si les opérations de financement ont été plus nombreuses en 2024, le refinancement boursier a constitué la grande majorité des opérations recensées.
La mégalevée de fonds de 1,2 milliard d'euros réalisée par Sartorius Stedim Biotech, à elle-seule, fausse la donne. "Sans cette opération, la situation est plus nuancée : les montants levés restent proches de ceux de 2023 et les tickets moyens diminuent", analyse Cédric Garcia, associé chez EY. Il pointe du doigt le décalage grandissant entre la France et les autres pays européens :
Après l'amorçage et les séries A, nous notons peu d'opérations significatives, la situation est compliquée, la "vallée de la mort" s'est étendue en France.
Cédric Garcia, associé EY
Et l'écart est encore plus marqué avec les États-Unis, qui ont cumulé plus de 29 milliards de dollars de financements en 2024, contre seulement 8,4 milliards pour toute l'Europe. Un fossé abyssal.
Introductions en bourse : des succès malgré tout
Aucune introduction en bourse dans le secteur biotech n'a été réalisée en France en 2024. Pourtant, selon Guillaume Morelli, directeur France et péninsule ibérique chez Euronext, la place parisienne "a mieux résisté qu'ailleurs". Et ce malgré :
- Un contexte boursier difficile, où la baisse des taux attendue ne s'est pas produite
- Les tensions politiques qui ont secoué l'Hexagone, notamment à partir de juin
Guillaume Morelli souligne néanmoins la belle performance de plusieurs leaders français de la biotech. Le cours de Medincell a plus que doublé. Ose Immunotherapeutics, Sensorion ou encore Maat Pharma ont également connu des "succès importants".
Vers une embellie en 2025 ?
Avec le retour espéré de la stabilité politique, France Biotech espère voir le secteur retrouver des couleurs. "On devrait à nouveau pouvoir travailler sur du moyen-long terme", projette Frédéric Girard.
Les récents investissements annoncés dans la santé, notamment dans l'IA appliquée au domaine médical, sont de bon augure. Même si un retour aux records de 2021 semble peu probable, les acteurs de la biotech française gardent espoir. Car derrière les innovations, ce sont bien les patients qui sont les grands gagnants.