Les emballages plastiques face aux injonctions contradictoires
Alors que le monde croule sous une montagne grandissante de déchets plastiques, l'Union européenne se retrouve au cœur d'un dilemme cornélien. Comment concilier ses ambitions d'économie circulaire avec le maintien de la compétitivité de son industrie plasturgique ? Un paradoxe qui éclate au grand jour à l'heure où se tient le dernier round des négociations onusiennes sur un traité mondial contre la pollution plastique.
Europe : entre volontarisme vert et désindustrialisation rampante
Avec une production de résines vierges en chute de 8,3% et des volumes de matières recyclées qui décrochent de 7,8%, la filière européenne des plastiques affiche une perte de vitesse inquiétante. Deux projets industriels majeurs de recyclage chimique sont même sur la sellette, incarnant la déperdition de compétitivité du Vieux continent. L'usine de Loop Industries à Carling-Saint-Avold est suspendue, tandis qu'Eastman pourrait renoncer à un investissement d'un milliard d'euros en Normandie.
L'Europe paie-t-elle le prix de son volontarisme réglementaire en matière d'environnement ? Entre la directive SUP sur les plastiques à usage unique et la loi française Agec, l'édifice législatif s'est considérablement étoffé ces dernières années. Un activisme vert salutaire pour la planète, mais qui plomberait l'attractivité industrielle selon un rapport du CR451 de l'École de Guerre Économique. La "déplastification" y est même présentée comme une arme informationnelle utilisée contre la France !
Un sommet onusien sous haute tension
C'est dans ce contexte électrique que s'ouvre à Busan en Corée du Sud le dernier round de négociations en vue d'un traité international sur les plastiques. Un sommet qui pourrait tourner au fiasco tant les divergences sont profondes entre les États. Faut-il d'abord réduire la production pour endiguer la pollution ou au contraire soutenir la plasturgie pour mieux lutter contre les déchets sauvages ?
Le sommet pourrait se traduire par un échec, au pire, ou un accord vide de sens, au mieux.
La France, via son éco-organisme Citeo, milite pour faire de la responsabilité élargie des producteurs (REP) un principe cardinal du futur traité. Mais cette position est loin de faire consensus, beaucoup y voyant une forme de protectionnisme déguisé. Les pays du G20 ont bien appelé de leurs vœux un accord ambitieux et juridiquement contraignant, mais le diable se cache dans les détails des futures négociations.
Quand la santé s'invite dans l'équation
Pour ajouter à la complexité du dossier, la question sanitaire fait une percée remarquée dans le débat public hexagonal. Un rapport parlementaire de l'Opecst préconise d'intégrer les impacts sur la santé dans les analyses de cycle de vie des plastiques. De quoi remettre en cause la pertinence même de certaines solutions comme le recyclage chimique ?
Pendant ce temps, les mastodontes de l'emballage poursuivent leur consolidation à coup de milliards de dollars. Amcor et Berry Global viennent d'annoncer une fusion à 8,4 milliards de dollars pour créer un groupe pesant 24 milliards de chiffre d'affaires. Un "mariage" qui en dit long sur les priorités de l'industrie, loin des atermoiements des politiques et des ONG.
Un avenir en pointillé
Au final, le plastique se retrouve pris en étau entre des injonctions difficilement conciliables :
- Réduire la production et la consommation pour contrer la pollution
- Soutenir l'industrie européenne face à la concurrence internationale
- Développer des solutions circulaires comme le recyclage chimique
- Prendre en compte les impacts sanitaires au-delà du seul prisme environnemental
Un casse-tête auquel le sommet de Busan ne devrait apporter que des réponses partielles et précaires. Les plastiques n'ont sans doute pas fini de faire parler d'eux, tiraillés entre des priorités aussi légitimes que contradictoires. L'avenir de cette industrie s'annonce pour le moins... plastique !