Les Entreprises Face au Défi du Coût du Carbone
142 euros la tonne de CO2 : c'est le prix qu'a retenu le cabinet de conseil Axylia pour chiffrer ce que serait la facture carbone des fleurons du CAC 40, si le principe du "pollueur-payeur" leur était appliqué. Un exercice révélateur, même s'il comporte des limites. Car pour près de la moitié des grands groupes français, la note serait tout simplement... impayable !
Des factures à plusieurs dizaines de milliards
Dans son étude, Axylia a calculé un "Ebitda ajusté", soit le bénéfice avant impôts et amortissements, auquel est soustraite la facture carbone théorique. Résultat : pour les dix plus gros émetteurs, cette dernière dépasse allègrement les profits.
Ainsi, Stellantis devrait débourser 63 milliards d'euros, Airbus 58 milliards et TotalEnergies 55 milliards ! Des montants faramineux, représentant respectivement 4 fois, 8 fois et 1,3 fois leur Ebitda. Dit autrement, il faudrait à Airbus l'équivalent de huit années de bénéfices pour régler son hypothétique facture climatique !
Un outil de sensibilisation
Certes, la méthodologie a ses limites, notamment car le calcul des émissions comporte une part d'incertitude. Mais elle offre un nouvel éclairage saisissant sur l'impact environnemental des entreprises et son coût pour la société. Comme l'explique Vincent Auriac, fondateur d'Axylia :
L'intérêt est de pondérer la rentabilité par les externalités négatives que représentent les émissions carbone.
Vincent Auriac, fondateur d'Axylia
La décarbonation, un impératif stratégique
Au-delà du choc des chiffres, ce travail de quantification est précieux. Il permet une prise de conscience : pour rester compétitives et préserver leur licence to operate, les entreprises doivent absolument accélérer leur transition bas-carbone. Et cela passe par :
- Des objectifs ambitieux de réduction des émissions sur toute la chaîne de valeur
- Des investissements massifs dans l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables
- L'éco-conception et l'économie circulaire pour limiter l'usage de matières premières
- La sensibilisation et la formation des collaborateurs aux enjeux climatiques
Faute de quoi, leur rentabilité et même leur pérennité pourraient être menacées, que ce soit par un risque réglementaire, une dégradation de leur réputation ou la perte de parts de marché au profit de concurrents plus vertueux. À l'heure du changement climatique, la décarbonation est plus qu'une contrainte : elle devient un enjeu business majeur.
Vers un prix du carbone plus élevé ?
La facture pourrait d'ailleurs s'alourdir à l'avenir. Car le prix de 142 euros la tonne retenu par Axylia, sur la base d'un rapport du Giec, apparaît presque modéré au regard des dernières évolutions.
En 2023, le cours des quotas sur le marché européen du carbone a régulièrement tutoyé ce niveau. Certains analystes anticipent même un prix de plusieurs centaines d'euros d'ici quelques années, en raison de la raréfaction des droits d'émission. Un aiguillon économique de plus pour pousser les industriels à verdir rapidement leur modèle.