
Les Fondateurs Canadiens Sont-Ils Malmenés ?
Imaginez-vous lancer une startup, investir votre temps, votre argent et votre énergie, pour finalement voir tout s’effondrer à cause de conditions de financement défavorables. C’est une réalité que trop de fondateurs canadiens connaissent bien. Selon une étude récente, neuf startups sur dix échouent, et au Canada, le coût personnel moyen d’un tel échec s’élève à environ 347 000 $. Ce chiffre, révélé par Virgile Ollivier de la plateforme Chapter, illustre un problème criant : les entrepreneurs canadiens sont-ils condamnés à payer un prix trop élevé pour oser innover ? Cet article explore les défis auxquels ils font face et propose des pistes pour un écosystème plus équitable.
Un Écosystème sous Pression
Le paysage entrepreneurial canadien est riche en talent et en idées, mais il est aussi marqué par des contraintes structurelles. Les fondateurs doivent naviguer dans un environnement où l’accès au capital est limité et où les termes des accords sont souvent dictés par des investisseurs ou des institutions financières. Cette dynamique déséquilibrée peut décourager l’innovation et pousser certains à quitter le pays, comme l’a souligné un utilisateur de X en déplorant les taxes sur les gains en capital illiquides pour les entrepreneurs souhaitant émigrer. Comment en est-on arrivé là, et que peut-on faire pour changer la donne ?
Des Termes de Financement Inéquitables
Contrairement aux États-Unis, où les accords de type SAFE (Simple Agreement for Future Equity) favorisent les fondateurs en offrant des conditions souples, les startups canadiennes se heurtent à des options de financement restrictives. Les programmes comme celui de la BDC (Banque de Développement du Canada), bien qu’ils visent à soutenir l’entrepreneuriat, exigent souvent des garanties personnelles, exposant les fondateurs à des risques financiers considérables. Bertrand Nepveu, entrepreneur et investisseur, note que la concurrence intense pour le capital aux États-Unis donne aux fondateurs un pouvoir de négociation que leurs homologues canadiens n’ont pas.
Les documents d’investissement sont remplis de signaux d’alerte.
– Katherine Homuth, fondatrice d’Oomira
Cette situation est exacerbée par un manque de capital-risque diversifié. Alors que des entreprises comme Cohere ou Clio parviennent à lever des fonds importants, la majorité des startups canadiennes peinent à attirer l’attention des investisseurs. Les données de l’Osler’s 2024 Deal Points Report montrent que les rondes de financement prennent plus de temps à se conclure au Canada, avec des délais médians de 64 jours pour les rondes de démarrage et jusqu’à 80 jours pour les séries A.
Le Coûts de l’Échec : Une Barrière à l’Innovation
L’échec entrepreneurial est une réalité universelle, mais au Canada, ses conséquences financières sont particulièrement lourdes. Virgile Ollivier, à travers sa plateforme Chapter, a découvert que la moitié des entrepreneurs interrogé n’envisageaient pas de relancer une entreprise après un échec, en grande partie à cause des pertes financières subies. Ce constat soulève une question cruciale : comment encourager l’innovation si le coût de l’échec dissuade les talents de réessayer ?
Pour illustrer, prenons l’exemple de Smart Nora, une startup de sommeil basée à Toronto. L’entreprise, qui développait un dispositif pour réduire le ronflement, a déposé le bilan en 2025 après que des hausses soudaines de tarifs douaniers ont perturbé ses plans de financement et de lancement de produit. Behrouz Hariri, PDG et cofondateur, a expliqué que la volatilité des tarifs a rendu impossible la planification des expéditions vers les États-Unis, leur principal marché. Cet exemple montre comment des facteurs externes, combinés à un manque de flexibilité financière, peuvent anéantir une entreprise prometteuse.
Une Proposition Audacieuse : La Constitution du Fondateur
Face à ces défis, Katherine Homuth, ancienne PDG de SRTX et désormais à la tête d’Oomira, propose une idée novatrice : une constitution du fondateur. Ce cadre standardisé permettrait aux entrepreneurs de négocier des conditions plus équilibrées avec les investisseurs, réduisant ainsi leur vulnérabilité en cas d’échec. Lors de Startupfest, Homuth a partagé son expérience, soulignant que les documents d’investissement actuels sont souvent un champ miné pour les fondateurs inexpérimentés.
Une constitution pour les fondateurs pourrait équilibrer les rapports de force avec les investisseurs.
– Katherine Homuth, fondatrice d’Oomira
Bien que certains investisseurs jugent cette idée difficile à mettre en œuvre, ils reconnaissent que les fondateurs ne devraient pas être financièrement anéantis par un échec. Une telle constitution pourrait inclure des clauses protégeant les entrepreneurs contre des pertes personnelles excessives et leur offrant plus de contrôle sur les termes de leurs accords.
Les Solutions pour un Écosystème Plus Juste
Pour créer un environnement plus favorable aux startups, plusieurs pistes peuvent être explorées. Voici quelques solutions concrètes :
- Augmenter la disponibilité du capital-risque local pour réduire la dépendance aux institutions financières traditionnelles.
- Promouvoir des accords de financement inspirés des SAFE américains, offrant plus de flexibilité aux fondateurs.
- Renforcer les programmes de soutien sans garanties personnelles, comme une version réformée du programme de la BDC.
- Créer des initiatives éducatives pour aider les fondateurs à mieux négocier les termes des contrats.
Des organisations comme ventureLAB montrent la voie avec des programmes comme Canada Catalyst, qui aide les entrepreneurs internationaux à s’intégrer dans l’écosystème canadien tout en offrant un soutien stratégique. Ces initiatives pourraient être étendues pour inclure un accompagnement spécifique aux fondateurs locaux, en les aidant à naviguer dans les complexités du financement.
Le Rôle des Politiques Publiques
Les politiques publiques jouent un rôle clé dans la création d’un écosystème favorable. Le gouvernement fédéral a récemment investi plus de 6 milliards de dollars pour soutenir les entreprises face aux tensions commerciales, mais des mesures spécifiques pour les startups sont nécessaires. Par exemple, des incitatifs fiscaux pour les investisseurs en capital-risque pourraient stimuler l’investissement dans les jeunes entreprises. De plus, des réformes pour réduire les risques liés aux garanties personnelles pourraient encourager davantage d’entrepreneurs à se lancer.
En Colombie-Britannique, le récent remaniement ministériel, avec la nomination de Rick Glumac comme ministre d’État pour l’IA et les nouvelles technologies, indique une volonté de prioriser l’innovation. Cependant, il reste à clarifier comment ces changements se traduiront en politiques concrètes pour soutenir les fondateurs.
Le Canada, Terre d’Opportunités ?
Le Canada regorge de talents et d’innovations, comme en témoignent des entreprises comme Moonvalley, qui a levé 84 millions de dollars USD pour son modèle d’IA vidéo respectueux des droits d’auteur, ou ZenaTech, qui accélère son expansion aux États-Unis grâce à des politiques favorables. Pourtant, sans un écosystème de financement plus équitable, ces succès risquent de rester des exceptions. Les fondateurs canadiens méritent des conditions qui valorisent leur audace sans les punir pour leurs échecs.
En résumé, les défis auxquels font face les fondateurs canadiens – conditions de financement rigides, coûts élevés de l’échec, et manque de capital diversifié – exigent des solutions audacieuses. La proposition de Katherine Homuth pour une constitution du fondateur, combinée à des réformes politiques et à un soutien accru des investisseurs, pourrait transformer l’écosystème entrepreneurial canadien. L’enjeu est clair : faire du Canada une terre où l’innovation prospère sans écraser ceux qui osent rêver grand.