Les investisseurs doivent-ils être tenus responsables des échecs des startups ?
Alors que les faillites de startups se multiplient, impactant brutalement leurs clients et employés, une question brûlante émerge : les investisseurs en capital risque qui les ont financées ne devraient-ils pas être tenus pour responsables lorsque les choses tournent mal ? Entre la quête effrénée de la prochaine licorne, les levées de fonds astronomiques et la pression pour une croissance à tout prix, le modèle même du venture capital est pointé du doigt. Profit contre éthique, argent facile contre responsabilité : explorons les enjeux de ce débat crucial pour l'avenir de la tech.
Quand les rêves de licornes virent au cauchemar
Les derniers mois ont vu une série noire pour l'écosystème des startups. Synapse, Evolve Bank, Fast, Zilingo... Les cas d'effondrements spectaculaires se sont succédés, laissant des milliers de clients et d'employés sur le carreau du jour au lendemain. Pourtant, chacune de ces entreprises avait levé des dizaines voire des centaines de millions de dollars auprès d'investisseurs de renom. Mais lorsque les problèmes apparaissent, ces derniers brillent souvent par leur silence. Pire, certains, comme les sénateurs américains, estiment qu'ils portent une part de responsabilité.
En finançant des modèles hasardeux et une croissance non durable, les capital risqueurs sont complices des dégâts causés lorsque ces châteaux de cartes s'effondrent.
- Elizabeth Warren, sénatrice américaine
La pression du "grow at all costs"
Pour comprendre comment on en arrive là, il faut se plonger dans les mécanismes du capital risque. Les investisseurs misent sur de nombreuses startups en espérant que quelques-unes deviendront des géants rentables, compensant largement les échecs. Mais cela crée une énorme pression pour une hypercroissance, quitte à prendre tous les risques. Embauches massives, diversification précipitée, partenariats hasardeux... Les limites sont sans cesse repoussées. Jusqu'au point de rupture.
Le mirage de la rentabilité
Certaines startups, comme Revolut, parviennent à afficher des profits records après des années de pertes. Mais à quel prix ? Celui d'une fuite en avant pour toujours plus de clients et de services, parfois au détriment de la qualité et de la maîtrise des risques. Quand la rentabilité arrive enfin, la tentation est grande pour les investisseurs de pousser rapidement vers une introduction en bourse pour récupérer leur mise. Quitte à exposer des milliers de petits actionnaires si les choses tournent mal ensuite.
Sortir la tête du sable
Face à la multiplication des scandales, il est temps que les investisseurs en capital risque sortent du déni. Certes, le risque fait partie intégrante de leur métier. Mais cela ne les dispense pas d'un devoir de vigilance et d'éthique. Avant d'injecter des millions, ils doivent mieux évaluer la viabilité et les pratiques des startups. Ils doivent garder un œil attentif et être prêts à tirer la sonnette d'alarme au lieu de fermer les yeux tant que l'argent afflue. Et si le pire arrive, ils doivent assumer leurs responsabilités auprès des parties prenantes lésées au lieu de se défausser.
Repenser le venture capital
Plus largement, c'est le modèle même du capital risque qui doit évoluer. Certains appellent à conditionner les investissements au respect de critères éthiques et de pratiques responsables. D'autres plaident pour un rééquilibrage entre la quête de profits à court terme et un accompagnement plus durable et patient des startups. L'enjeu est aussi de donner leur chance à des innovations plus utiles et résilientes, au-delà du mirage des licornes.
La responsabilisation des investisseurs ne règlera pas tous les maux de l'écosystème tech. Mais c'est un pas nécessaire pour rebâtir la confiance et éviter que le formidable potentiel de l'innovation soit entaché par les dérives de la finance. Entre nécessaire prise de risque et devoir d'éthique, il est temps de trouver un nouveau point d'équilibre. Pour que les startups restent des moteurs de progrès, et non des machines à déception.
