Les méthodes de contrôle des mauvaises herbes à repenser
Quoi de plus naturel que de tondre régulièrement pour contrôler les mauvaises herbes envahissantes ? C'est une pratique très répandue en agriculture et en entretien des espaces verts. Pourtant, des recherches récentes montrent que dans le cas d'une plante vénéneuse comme la morelle argentée, la tonte fréquente produit l'effet inverse à celui escompté. Au lieu d'affaiblir la plante, elle la rend encore plus coriace et toxique !
Une plante invasive redoutable
Rupesh Kariyat, professeur associé en entomologie et pathologie végétale à l'université de l'Arkansas, étudie la morelle argentée depuis plus de 10 ans. Cette plante de la famille des solanacées, comme la tomate ou le tabac, peut être très problématique. En Grèce par exemple, elle envahit les vignobles en pompant les nutriments du sol et en tuant les vignes.
Lors d'une étude dans le sud du Texas, le Dr Kariyat a remarqué des différences entre les plants de morelle régulièrement tondus et ceux laissés tranquilles. Intrigué, il a collecté des données de 2018 à 2020 pour analyser l'impact de la tonte sur cette adventice.
Une transformation en "super mauvaise herbe"
Les résultats, publiés dans Scientific Reports, sont édifiants. Les plants de morelle argentée soumis à une tonte régulière subissent de profondes modifications :
- Leurs racines s'enfoncent beaucoup plus profondément, jusqu'à 1m50 contre 30-40cm pour les plants non tondus.
- Leurs repousses sont plus épineuses et leurs fleurs contiennent davantage de substances toxiques, pour résister aux prédateurs comme les chenilles.
- Elles développent une germination différenciée des graines, certaines rapides d'autres lentes, pour maximiser les chances de survie de l'espèce.
Vous essayez d'éliminer ces plantes en les tondant, mais en réalité vous les rendez bien pires, bien plus fortes.
– Dr Rupesh Kariyat
Repenser les stratégies de gestion des adventices
Si la tonte stimule à ce point les défenses de la morelle argentée, comment s'en débarrasser efficacement ? Le Dr Kariyat souligne la nécessité d'intégrer ces découvertes dans les plans de gestion des mauvaises herbes :
Les pratiques de gestion doivent mieux prendre en compte l'écologie et la biologie de l'espèce cible, ainsi que ses interactions avec d'autres espèces.
– Dr Rupesh Kariyat
Dans le cas de la morelle argentée, réduire la fréquence de tonte pourrait paradoxalement se révéler plus efficace que des tontes intensives. Des recherches complémentaires sur la réponse d'autres plantes de la famille des solanacées aux agressions mécaniques seraient également très utiles pour adapter les techniques de désherbage.
Vers une gestion intégrée des adventices
Cette étude met en lumière les limites des approches simplistes face à des organismes aussi complexes et adaptables que les plantes. Pour un contrôle durable et respectueux de l'environnement des adventices, une gestion intégrée combinant judicieusement différentes méthodes (préventives, mécaniques, biologiques...) apparaît incontournable.
Comprendre finement la biologie des adventices, leurs interactions avec le milieu et les pratiques agricoles est un préalable essentiel pour concevoir des stratégies efficaces sur le long terme. La tonte systématique montre ici ses limites, il est temps d'expérimenter des approches plus subtiles, travaillant avec les écosystèmes plutôt que contre eux.