Les Obstacles à Lever pour Démocratiser la Fabrication Additive
La fabrication additive, aussi appelée impression 3D, s'est imposée ces dernières années comme un procédé incontournable pour la réalisation de prototypes et de petites séries dans l'industrie. Cependant, son adoption à grande échelle pour la production en série reste encore limitée à quelques grands groupes pionniers. En effet, malgré tous les avantages qu'elle apporte en termes de liberté de conception, de personnalisation et de rapidité, la fabrication additive fait face à plusieurs obstacles majeurs qui freinent sa démocratisation au sein des usines.
La qualification des pièces, un challenge clé
L'un des principaux freins est lié à la qualification et la certification des pièces produites par fabrication additive. La question de la fiabilité et de la reproductibilité des procédés inquiète encore de nombreux industriels. Comme le souligne Philippe Bello, président de Platinium 3D :
Comme pour toute innovation, la question de la fiabilité des procédés et des pièces ainsi que de la responsabilité en cas de problèmes se pose. Pour renforcer la confiance des marchés et des clients, il est bon de pouvoir se reposer sur des normes qualité.
– Philippe Bello, Platinium 3D
Le manque de normalisation est ainsi identifié comme l'un des principaux verrous à lever pour sécuriser les industriels et accélérer l'adoption de la fabrication additive.
Monter en compétences sur la conception 3D
Un autre obstacle majeur se situe au niveau des bureaux d'études. Pour tirer pleinement parti des possibilités offertes par la fabrication additive, il est essentiel que les concepteurs intègrent les spécificités du procédé dès les premières phases de conception numérique. Comme l'explique Cyril Maurin, responsable innovation chez Naval Group :
Jusqu'à présent, nous refaisions des pièces telles qu'elles étaient conçues pour la fonderie. Maintenant, nous commençons à passer à l'étape d'après où le BET conçoit des pièces spécialement dédiées à la fabrication additive. C'est une étape très importante, la vraie valeur ajoutée de la fabrication additive.
– Cyril Maurin, Naval Group
Les entreprises doivent donc investir dans la montée en compétences de leurs bureaux d'études sur la conception adaptée à la fabrication additive. L'intégration d'une chaîne numérique complète, du design à la fabrication, est également cruciale pour exploiter tout le potentiel de ces technologies.
Optimiser le post-traitement des pièces
Le post-traitement des pièces imprimées en 3D représente un autre défi, en particulier pour les technologies de fabrication additive métal. Les pièces obtenues sont souvent similaires à un brut de fonderie et nécessitent de nombreuses opérations de finition. Comme le fait remarquer Cyrille Vue, dirigeant d'Erpro Group :
Le post-traitement reste un frein ainsi que le prix des pièces pour développer la fabrication additive. Il faut trouver de la valeur ajoutée et des marchés. La production peut être lente et la partie post-traitement coûteuse.
– Cyrille Vue, Erpro Group
Il est donc essentiel d'optimiser et d'automatiser les étapes de post-traitement pour gagner en productivité et en compétitivité. Le développement de solutions logicielles et de procédés innovants dans ce domaine est un enjeu clé.
Garantir la souveraineté technologique
Enfin, la question de la souveraineté technologique est également au cœur des préoccupations, notamment pour les secteurs stratégiques sensibles. C'est dans ce contexte que le Cetim, Naval Group et d'autres acteurs ont lancé un programme collaboratif visant à créer une filière française de fabrication additive métal grande pièce et en série. Comme le précise Guillaume Rückert, expert chez Naval Group :
Il est nécessaire de disposer de moyens français pour ne pas être dépendants d'acteurs internationaux, en particulier hors Europe. Ce démonstrateur nous permettra d'avoir une chaîne numérique complètement intégrée.
– Guillaume Rückert, Naval Group
Construire une filière industrielle souveraine sur la fabrication additive est un enjeu crucial pour garder le contrôle sur ces technologies d'avenir et encourager leur diffusion.
En résumé, malgré les immenses promesses de la fabrication additive, plusieurs obstacles freinent encore son adoption massive dans l'industrie :
- La qualification et la certification des pièces imprimées en 3D
- La montée en compétences des bureaux d'études en conception adaptée
- L'optimisation et l'automatisation du post-traitement des pièces
- Le développement d'une filière industrielle souveraine
Pour démocratiser réellement cette technologie de rupture, il est essentiel que les industriels, soutenus par les pouvoirs publics, s'attaquent collectivement à ces différents challenges. La mobilisation de l'ensemble de l'écosystème, à travers des programmes collaboratifs et des plateformes d'échanges, sera décisive pour accélérer la maturation et la diffusion de la fabrication additive au cœur des usines.