Les Puces III-V, Innovations Clés des Télécoms et de la Défense
Dans le monde feutré des salles blanches de Paris-Saclay, des chercheurs s'affairent autour d'imposantes machines pour créer la prochaine révolution des semi-conducteurs. Bienvenue au III-V Lab, groupement d'intérêt économique fondé par Nokia, Thales et le CEA, où se conçoivent les puces électroniques aux propriétés particulières qui transformeront nos télécommunications, notre défense et notre vie quotidienne.
Des semi-conducteurs d'exception pour des applications de pointe
Au cœur de l'activité bouillonnante du III-V Lab se trouvent les matériaux semi-conducteurs III-V, ainsi nommés en raison de leur appartenance aux colonnes III et V du tableau périodique des éléments. Ces composés aux noms exotiques comme l'arséniure de gallium ou le nitrure de gallium possèdent des propriétés optiques et électroniques exceptionnelles :
- Ils peuvent générer et détecter la lumière, notamment dans l'infrarouge, avec une grande sensibilité.
- Ils transportent les signaux électriques à très grande vitesse, idéal pour les télécommunications ultra-rapides.
- Ils supportent de fortes puissances, essentielles pour les radars, lasers et amplificateurs.
Ces matériaux magiques ouvrent la voie à un vaste champ d'applications, des capteurs pour la vision nocturne aux transistors de puissance pour la mobilité électrique, en passant par les télécoms 5G et 6G, la défense et le spatial. "Aujourd'hui, tous les systèmes d'optique comme les lasers reposent sur des semi-conducteurs III-V", souligne Jean-Luc Beylat, président de Nokia Bell Labs France.
L'épitaxie, l'art délicat d'empiler les atomes
Pour faire naître ces extraordinaires propriétés, les chercheurs du III-V Lab maîtrisent l'art subtil de l'épitaxie. Dans d'imposantes machines aux hublots dignes de Vingt mille lieues sous les mers, ils déposent les matériaux III-V couche atomique par couche atomique sur des galettes de silicium, le substrat roi de la microélectronique.
Les composants III-V, qui n'existent pas à l'état naturel, sont particulièrement difficiles à intégrer sur le silicium. Nous y parvenons aujourd'hui.
Myriam Oudart, directrice de communication du III-V Lab
Avec 8 machines d'épitaxie, dont une nouvelle génération permettant de traiter les galettes de silicium de 300 mm, le standard de l'industrie, le labo repousse les limites de la miniaturisation et de l'intégration des puces III-V sur silicium. Un défi à la frontière de la physique et de l'ingénierie.
De la recherche aux produits de rupture
Les talents du III-V Lab ont déjà donné naissance à plusieurs success stories industrielles, comme les capteurs infrarouge de Lynred ou les composants télécom d'United Monolithic Semiconductors. Avec un budget de 25 millions d'euros par an, financé équitablement par Nokia, Thales et le CEA, le labo compte bien récidiver.
Prochaine étape : décrocher des financements européens dans le cadre du nouveau Chips Act, pour accélérer encore les transferts technologiques et le passage à l'échelle industrielle. Car au delà des prouesses scientifiques, l'objectif du III-V Lab reste de fournir à ses partenaires de quoi concevoir les produits de rupture de demain, et de renforcer ainsi la souveraineté technologique française et européenne dans des domaines stratégiques.
Des datacenters aux cockpits d'avion en passant par les smartphones, les puces conçues dans ce temple français des semi-conducteurs III-V sont promises à un bel avenir. La prochaine révolution électronique est en marche, et une partie se joue ici à Paris-Saclay, dans le silence feutré et immaculé des salles blanches.