Les startups cleantech canadiennes fragilisées par les retards de financement
Alors que des startups canadiennes spécialisées dans les technologies propres souffrent des retards de financement de l'agence fédérale SDTC (Sustainable Development Technology Canada), une guerre d'accusations a éclaté la semaine dernière entre le ministre de l'Innovation François-Philippe Champagne et l'opposition conservatrice sur les causes et les solutions à apporter à cette situation préoccupante. Plus d'un an après la suspension des financements de SDTC suite à des problèmes de conflits d'intérêts et de gouvernance, de nombreuses jeunes pousses cleantech sont toujours dans l'attente des fonds promis, ce qui les force à réduire leurs effectifs et projets.
Des startups fragilisées malgré le déblocage des fonds en juin
Malgré l'annonce en juin dernier par le ministre Champagne de la reprise des financements de SDTC sous supervision renforcée, certaines startups ayant respecté leurs étapes de projets attendent toujours le versement des fonds. Selon plusieurs sources du secteur cleantech contactées par BetaKit, ces délais ont forcé des entrepreneurs à licencier du personnel, geler des embauches, freiner leur croissance ou chercher des financements alternatifs en urgence pour couvrir les manques de trésorerie.
Un entrepreneur témoigne : 30% de l'effectif licencié
Un entrepreneur cleantech souhaitant rester anonyme a ainsi confié à BetaKit avoir dû licencier récemment 30% de ses employés et annuler des contrats de conception, faute de recevoir un financement d'un million de dollars de SDTC pourtant attendu depuis des mois. Un investisseur au fait de la situation de 5 startups dans ce cas affirme que l'une d'elles a frôlé la fermeture à cause de ces problèmes de trésorerie.
Le mécanisme des financements SDTC
Pour comprendre l'origine du problème, il faut revenir au mécanisme de financement de SDTC. Cette fondation créée en 2001 et dotée par le gouvernement fédéral via le ministère de l'Innovation (ISED) octroie des subventions aux entreprises développant des technologies propres innovantes. Les startups dépensent d'abord pour avancer sur les étapes de leur projet, puis se font rembourser par SDTC. Tout retard dans le versement des fonds place donc les entreprises dans une situation délicate, surtout dans le contexte actuel de raréfaction des capitaux en capital-risque.
Champagne et les conservateurs se renvoient la balle
La semaine dernière, François-Philippe Champagne et ses homologues conservateurs ont échangé des reproches par médias interposés sur la responsabilité de cette situation. Pour le ministre de l'Innovation, «Les retards que vous constatez résultent en grande partie de la politisation de ce dossier [...] Ce sont les petites et moyennes entreprises du secteur des technologies propres qui en paient le prix». Michael Barrett, porte-parole conservateur pour l'éthique, a rétorqué que «Les libéraux tentent désespérément de détourner l'attention de leur liste de scandales et de corruption», accusant le ministre Champagne d'être «déconnecté» de la réalité des entrepreneurs.
La reprise des financements suspendue à un audit
Le ministre de l'Innovation assure que son ministère a agi «rapidement et de manière décisive» dès la révélation des problèmes de gouvernance et conflits d'intérêts ayant entraîné l'an dernier la suspension des financements et le départ de la direction de SDTC. Mais la reprise effective des financements reste suspendue aux résultats d'un audit mené par 3 cabinets indépendants, sans qu'un calendrier précis n'ait été communiqué. SDTC a indiqué à BetaKit être en train de revoir l'éligibilité des projets précédemment approuvés, en espérant «commencer à verser des fonds aux entreprises éligibles dans les prochaines semaines».
Ceux d'entre nous qui sont coincés avec ces anciens contrats, que j'appellerai «entachés», sont dans les limbes [...] Personne ne veut nous toucher parce que nous sommes de la radioactivité politique.
Un entrepreneur cleantech s'exprimant sous couvert d'anonymat
Au-delà des querelles politiques, les acteurs du secteur craignent qu'un blocage prolongé des financements de SDTC n'entraîne des dégâts durables sur l'écosystème cleantech canadien, alors que les capitaux se font plus rares pour les startups. Dans ce contexte, la clarification rapide du calendrier et des modalités de reprise de l'activité de SDTC apparaît cruciale pour la survie de nombreuses jeunes pousses innovantes, au coeur de la stratégie climat du Canada.