Les startups face au dilemme de l’introduction en bourse
Longtemps considérée comme le Graal pour les startups, l'introduction en bourse semble perdre de son attrait. C'est en tout cas l'avis de David Solomon, PDG de la prestigieuse banque d'affaires Goldman Sachs. Lors du récent sommet Cisco AI à Palo Alto, il a conseillé aux jeunes pousses de reconsidérer cette étape, rapporte le Financial Times.
Un financement privé suffisant pour croître
Selon David Solomon, les startups peuvent tout à fait atteindre une taille critique et lever des montants conséquents sur les marchés privés, sans avoir à subir les contraintes du statut de société cotée. Comme il le souligne avec ironie :
Ce n'est pas amusant d'être une société cotée. Qui voudrait être une société cotée ?
– David Solomon, PDG de Goldman Sachs
Il faut dire que le contexte a bien changé. Si devenir une entreprise publique était auparavant un passage quasi-obligé pour financer sa croissance, ce n'est plus forcément le cas aujourd'hui. Les investisseurs sont prêts à miser des sommes colossales sur des sociétés prometteuses, même si elles restent privées.
Le précédent Stripe
L'exemple le plus marquant est sans doute celui de Stripe. Cette licorne du paiement en ligne a levé pas moins de 6,5 milliards de dollars en 2023, tout en restant à l'écart des marchés boursiers. Une opération titanesque orchestrée par... Goldman Sachs.
De fait, la banque travaille de plus en plus avec de grandes entreprises privées. Elle semble avoir pris acte de cette tendance de fond : les startups les plus prometteuses ne sont plus pressées de s'introduire en bourse. Elles préfèrent continuer à se développer à l'abri des regards, en s'appuyant sur un cercle restreint d'investisseurs de long terme.
Les avantages de rester privé
Il faut reconnaître que le statut d'entreprise cotée comporte de nombreuses contraintes :
- Publication des résultats financiers chaque trimestre
- Pression des investisseurs focalisés sur la performance à court terme
- Moins de liberté dans la prise de décisions stratégiques
- Risque de perte de contrôle si le capital est trop dilué
À l'inverse, une entreprise privée peut se projeter sur le long terme et prendre des risques, sans craindre les réactions à chaud des marchés. Elle garde également la main sur la structure de son capital et la gouvernance.
Une tendance durable ?
Si le conseil de David Solomon devient la norme, on pourrait assister à une privatisation durable des pépites technologiques. Au lieu de démocratiser leur capital, les futures licornes opteraient pour un actionnariat resserré, composé de fonds et de grandes fortunes.
Bien sûr, certaines introductions en bourse resteront incontournables, ne serait-ce que pour permettre aux investisseurs historiques de monetiser leurs parts. Mais il est probable qu'elles interviennent plus tard dans le cycle de vie des startups.
En attendant, celles qui ont les faveurs des investisseurs pourront continuer à prospérer loin du tourbillon des marchés financiers. Une situation qui ne sera pas pour déplaire aux fondateurs soucieux de garder le contrôle sur leur entreprise, le temps de réaliser pleinement leur vision de long terme.