L’essor des modèles IA open source chinois soulève des inquiétudes
L'intelligence artificielle est un domaine en pleine ébullition, avec des avancées spectaculaires ces dernières années. Et la Chine n'est pas en reste, avec l'émergence de modèles open source performants développés par des géants comme Alibaba. Mais cette montée en puissance suscite aussi des interrogations, notamment sur les risques de censure et de concentration du pouvoir.
Des modèles chinois qui impressionnent
Récemment, plusieurs modèles d'IA open source made in China ont fait parler d'eux pour leurs excellents résultats sur des tâches comme le codage ou le "raisonnement". Parmi eux, on peut citer QwQ-32B d'Alibaba ou encore DeepSeek, qui a fait le buzz pour ses capacités de réflexion.
Ces prouesses technologiques démontrent que la Chine est en train de rattraper son retard sur les États-Unis et l'Europe en matière d'IA, grâce notamment à une forte adhésion au mouvement open source. Clément Delangue, CEO de Hugging Face (la plus grande plateforme de modèles IA), a ainsi prédit que la Chine prendrait la tête de la course mondiale à l'IA dès 2025.
Une situation préoccupante ?
Mais cette montée en puissance des modèles IA chinois soulève aussi des inquiétudes. Clément Delangue s'est dit "un peu inquiet" de la forte concentration des meilleurs modèles open source venant de Chine, un phénomène assez récent selon lui :
Il est important que l'IA soit distribuée entre tous les pays, qu'il n'y ait pas un ou deux pays qui soient beaucoup plus forts que les autres.
Clément Delangue, CEO de Hugging Face
Le dirigeant craint notamment que si la Chine devient ultra-dominante en IA, elle puisse être en mesure de "diffuser certains aspects culturels que le monde occidental ne voudrait peut-être pas voir se répandre", en référence aux pratiques de censure du gouvernement chinois.
Risques de censure
Car c'est bien là que le bât blesse. Certains modèles IA chinois ont été épinglés pour censurer des sujets sensibles aux yeux du régime, comme les manifestations de la place Tian'anmen. C'est le cas par exemple de QwQ-32B d'Alibaba ou de DeepSeek.
En cause : les entreprises chinoises d'IA sont obligées par le gouvernement d'intégrer les "valeurs socialistes" et de se plier au système de censure existant, déjà très étendu. Elles se retrouvent donc dans une position délicate.
Si vous créez un chatbot et lui posez une question sur Tian'anmen, eh bien, il ne va pas vous répondre de la même manière que s'il s'agissait d'un système développé en France ou aux États-Unis.
Clément Delangue, CEO de Hugging Face
Pour Clément Delangue, il est crucial que l'IA ne soit pas concentrée entre les mains d'un ou deux pays ultra-dominants, au risque de voir certaines valeurs s'imposer à l'ensemble du monde. Un sujet épineux qui soulève des questions de fond sur la gouvernance et l'éthique de cette technologie révolutionnaire.
Vers une IA éthique et distribuée
Face à ces enjeux, de nombreuses voix appellent au développement d'une IA plus éthique, transparente et décentralisée. L'objectif : éviter une trop forte concentration du pouvoir et permettre une diversité d'approches reflétant la pluralité des cultures et des valeurs à l'échelle mondiale.
Des initiatives voient le jour en ce sens, à l'image du mouvement Beneficial AI qui prône une IA bénéfique pour l'humanité. Ou encore des consortiums internationaux comme le Partnership on AI qui rassemble entreprises, chercheurs et ONG pour promouvoir les meilleures pratiques.
Il s'agit aussi de renforcer la diversité et l'inclusivité dans le secteur de l'IA, encore très majoritairement masculin et occidental. Car comme le souligne Clément Delangue, "l'IA va impacter tous les domaines de nos vies" et il est essentiel que son développement implique une grande variété de profils et de sensibilités.
- Favoriser la coopération internationale plutôt que la compétition
- Développer des garde-fous éthiques contraignants
- Œuvrer pour une IA décentralisée et open source
Autant de pistes pour faire en sorte que l'IA profite au plus grand nombre et ne devienne pas l'arme de puissances hégémoniques. L'avenir de cette technologie est entre nos mains, à nous de faire les bons choix pour construire un futur désirable.