L’essor des startups aerospatiales bouscule l’industrie
Et si le prochain grand nom de la conquête spatiale était une startup ? C'est le pari que font de nombreux entrepreneurs et investisseurs, portés par les succès d'Elon Musk avec SpaceX. Une nouvelle race d'acteurs, surnommée le "NewSpace", bouscule les codes établis de l'industrie aérospatiale en misant sur l'agilité et l'innovation technologique.
La démocratisation de l'accès à l'espace
L'objectif premier de ces jeunes pousses est de réduire drastiquement les coûts de lancement pour ouvrir l'espace à un maximum d'acteurs. Pour cela, elles développent des technologies de rupture comme la réutilisabilité des lanceurs, l'impression 3D des pièces ou encore de nouveaux modes de propulsion.
Des fusées "low-cost"
La startup américaine Rocket Lab propose par exemple son lanceur léger Electron à un tarif défiant toute concurrence. Grâce à une conception simplifiée et une production en série, elle est parvenue à diviser le coût par 10 par rapport aux acteurs traditionnels. En parallèle, la société travaille sur un mode de récupération de son premier étage pour le réutiliser, à l'image de ce que fait déjà SpaceX.
Notre but est de rendre les lancements spatiaux aussi fréquents et routiniers que les vols aériens.
Peter Beck, fondateur de Rocket Lab
La révolution des petits satellites
Un autre levier pour démocratiser l'accès à l'espace est la miniaturisation des satellites. Là où les mastodontes de plusieurs tonnes régnaient en maître, on voit désormais fleurir des engins de quelques kilos seulement, voire moins. Ces smallsats profitent des progrès de l'électronique et de la propulsion électrique pour embarquer toujours plus de capacités dans un format réduit.
Le leader dans ce domaine est le Français Hemeria, qui a développé une gamme de nanosatellites pesant de 10 à 30 kg. Facilement personnalisables, ils permettent une mise en orbite rapide et peu coûteuse pour répondre à des besoins variés : observation de la Terre, télécommunications, expériences scientifiques...
- Les nanosatellites représenteront 10% du marché des satellites en 2025, contre moins de 1% en 2015.
Une logique de constellations
Pour tirer pleinement parti de cette nouvelle donne, de nombreuses startups misent sur le déploiement de méga-constellations de petits satellites. C'est la stratégie d'Astra Space, qui veut mettre en orbite des centaines d'engins pour fournir un accès Internet haut débit dans le monde entier, en particulier dans les zones reculées.
La startup fondée par des vétérans de SpaceX et de la NASA se distingue par sa fusée ultra-compacte, assemblée en seulement 4 jours. Cette approche "IKEA" lui permet de produire en masse ses lanceurs et d'enchaîner les lancements. Elle a levé récemment 500 millions de dollars pour développer son ambitieux projet.
L'espace, nouveau terrain de jeu des applications de pointe
Au-delà des moyens d'accès à l'espace, les startups innovent également dans les services et applications déployés depuis l'orbite terrestre. La collecte de données, la surveillance environnementale ou encore la connectivité globale sont autant de marchés en pleine expansion.
Des images satellites à très haute résolution
Capella Space a mis au point une technologie radar unique, permettant de "voir" à travers les nuages et dans l'obscurité avec une résolution inégalée de 50 cm. Ses images trouvent des applications multiples pour l'agriculture de précision, la gestion des catastrophes naturelles ou encore le renseignement.
La société a mis en orbite en 2021 sa première constellation opérationnelle de 7 satellites et ambitionne d'en lancer 40 dans les prochaines années. Elle a noué des partenariats stratégiques avec le Ministère de la Défense américain et le Japon.
Quand l'intelligence artificielle s'invite dans l'espace
Pour exploiter au mieux ces nouvelles sources d'images ultra-détaillées, les startups font appel aux technologies d'intelligence artificielle. C'est notamment le cas d'Orbital Insight, qui combine le machine learning, la vision par ordinateur et l'analyse géospatiale pour extraire des informations clés à partir des données satellites.
Nous voulons rendre la Terre transparente, compréhensible et prévisible pour aider à résoudre les grands défis mondiaux.
James Crawford, PDG d'Orbital Insight
Son moteur d'IA est capable par exemple de détecter automatiquement les navires en mer, d'évaluer les niveaux de production d'une usine ou encore de surveiller les cultures. Des capacités uniques et précieuses pour des acteurs aussi variés que les hedge funds, les ONG ou les états.
Une nouvelle frontière pour le tourisme
Les startups du NewSpace ne se contentent pas de regarder la Terre depuis le ciel. Certaines ont pour ambition d'envoyer des passagers dans l'espace, ouvrant la voie à une nouvelle forme de tourisme. Virgin Galactic et Blue Origin, fondées respectivement par les milliardaires Richard Branson et Jeff Bezos, sont les figures de proue de cette course.
Si leurs vols suborbitaux restent pour l'instant réservés à une poignée de privilégiés, le marché est prometteur. Les deux sociétés affichent des carnets de commandes de plusieurs centaines de clients, avec des billets allant de 200 000 à 450 000 dollars. A terme, elles espèrent démocratiser ces voyages pour en faire une activité récréative accessible au plus grand nombre.
Entre démocratisation de l'accès à l'espace, services innovants et tourisme orbital, les startups du NewSpace bousculent en profondeur l'industrie aérospatiale. Elles ouvrent la voie à un nouveau chapitre de la conquête spatiale, où agilité et audace technologique sont les maîtres-mots. Une révolution à suivre de près, sur Terre comme depuis le ciel.