L’Europe Prête à Créer son Premier Géant Tech d’1 Trillion
Imaginez la scène : il fait -15 °C à Helsinki, la nuit tombe à 15 h, et pourtant 25 000 personnes venues du monde entier se pressent sous les néons verts de Slush en scandant presque en chœur : « Still doubting Europe ? Go to Hel ». La provocation est assumée, le message est clair. L’Europe tech ne demande plus la permission. Elle prend la place qui lui revient.
L’Europe tech sort enfin de l’ombre
Pendant des décennies, le récit était le même. Un fondateur européen brillant lève une Série A, impressionne tout le monde, puis un VC américain arrive avec un chèque plus gros et une condition : « Super projet… mais il faut déménager à San Francisco ». Et neuf fois sur dix, le fondateur pliait bagage.
Cette époque semble révolue. Ce qui s’est passé à Slush en novembre 2025 ressemble à un tournant historique. Les fondateurs ne fuient plus. Pire pour la Valley : ils refusent poliment les propositions de délocalisation, même quand elles viennent d’investisseurs légendaires.
Le cas Lovable, symbole du nouveau mindset
Prenez Anton Osika, cofondateur de Lovable, une plateforme de développement no-code dopée à l’IA. En un an seulement, sa startup basée à Stockholm a atteint 200 millions de dollars de revenus annuels récurrents. Un exploit rarissime, même aux États-Unis.
« On a reçu des term sheets hallucinants de fonds américains… avec la clause relocation to SF. On a dit non. On a préféré recruter d’anciens ingénieurs de OpenAI, Google et Meta pour qu’ils viennent à Stockholm. Et ça a marché encore mieux. »
– Anton Osika, CEO et cofondateur de Lovable
Cette anecdote, racontée sur la grande scène de Slush, a déclenché une ovation debout. Pour la première fois, rester en Europe n’était plus vu comme un handicap, mais comme un avantage compétitif.
Les chiffres qui ne mentent plus
Les investisseurs présents à Helsinki le confirment : il y a aujourd’hui plus de capital américain déployé en Europe qu’il y a cinq ans. Et pourtant, les fonds comme IVP ou Sequoia ouvrent (ou rouvrent) des bureaux à Londres ou Berlin.
Quelques indicateurs concrets qui ont marqué les esprits :
- Le montant total levé par les startups européennes en 2025 devrait dépasser les 120 milliards d’euros (source Dealroom).
- Plus de 40 % des licornes nées en 2024-2025 ont choisi de garder leur siège en Europe.
- Stockholm, Paris et Berlin figurent désormais dans le top 10 mondial des villes produisant le plus de licornes par habitant.
Et surtout, le graal : l’Europe attend son premier « trillion-dollar company ». Les paris sont ouverts.
Les success stories qui changent la psychologie
Spotify, Klarna, Adyen, UiPath, BioNTech… Ces noms ne sont plus des exceptions. Ils sont devenus des modèles. Les employés de ces géants partent créer leurs propres boîtes avec un carnet d’adresses et un compte en banque qui leur permettent de voir beaucoup plus grand dès le départ.
Taavet Hinrikus, cofondateur de Wise et partenaire chez Plural, l’a résumé en une phrase qui a fait le tour des réseaux :
« Il y a dix ans, être entrepreneur en Europe, c’était un peu bizarre. Aujourd’hui c’est mainstream. Mes neveux de 12 ans me demandent déjà comment créer leur startup. »
– Taavet Hinrikus, partenaire chez Plural
Les freins qui sautent un à un
Les obstacles historiques existent toujours, mais ils reculent rapidement.
La fragmentation réglementaire ? L’Union européenne prépare pour 2026 un « passeport startup » qui permettra d’enregistrer sa société dans les 27 pays en une seule démarche.
Le manque de clients entreprises audacieux ? Les grands groupes européens (BNP, Siemens, L’Oréal…) lancent enfin des programmes d’open innovation massifs et signent des contrats à sept chiffres avec des scale-ups locales.
Le déficit de talents late-stage ? Les ingénieurs seniors américains ou asiatiques acceptent de plus en plus de traverser l’Atlantique, attirés par la qualité de vie, les salaires nets plus élevés et les stock-options non taxées à la sortie.
Et maintenant, qui sera le premier trillion-dollar européen ?
À Slush, les pronostics vont bon train dans les allées enfumées de cigarette électronique :
- Northvolt (batteries) si la réindustrialisation verte accélère,
- Lovable si l’IA no-code devient le nouveau Salesforce,
- Helsing (défense IA) avec les budgets militaires qui explosent,
- Ou un acteur complètement inattendu qui n’a pas encore levé sa Série A…
Ce qui est certain, c’est que l’état d’esprit a changé. Les fondateurs européens ne se demandent plus s’ils peuvent rivaliser avec la Silicon Valley. Ils se demandent simplement combien de temps il leur faudra pour la dépasser sur certains verticales.
Conclusion : le doute n’est plus permis
La bannière géante à l’entrée de Slush 2025 résume tout : « Still doubting Europe? Go to Hel. »
Le message est passé. L’Europe tech a fini de grandir dans l’ombre. Elle est prête à prendre la lumière. Et quand le premier géant européen atteindra les 1 000 milliards de valorisation – ce qui arrivera probablement avant 2035 –, le monde entier comprendra qu’on aurait dû y croire beaucoup plus tôt.
Le futur se code peut-être encore en anglais… mais il s’écrira de plus en plus souvent depuis Helsinki, Paris, Berlin ou Tallinn.