L’expatriation des ingénieures : les clichés genrés persistent
Soleil, plage et… réunions en visio. Voilà le nouveau quotidien d'Énora Quennec, jeune ingénieure française expatriée à Rio de Janeiro. À 27 ans, cette Bretonne épanouie a osé le grand saut, comme de plus en plus de femmes ingénieures. Mais sur le chemin de l'expatriation, les clichés genrés ont encore la vie dure.
Une nouvelle génération d'ingénieures globe-trotters
Responsable supply chain pour un éditeur de logiciels belge, Énora télétravaille depuis la "cidade maravilhosa", à dix minutes de la plage. Elle se rend une semaine par mois à São Paulo, siège brésilien de son entreprise. « En tant que jeune femme ingénieure, une denrée rare ici, je reçois plusieurs offres par semaine », sourit cette polyglotte qui maîtrise six langues.
Comme elle, de plus en plus de jeunes ingénieures franchissent le pas, motivées par l'envie de vivre une aventure humaine et culturelle, de donner un coup de boost à leur carrière ou d'améliorer leur qualité de vie. Les mêmes raisons qui poussent leurs homologues masculins à tenter l'expérience.
Le poids des schémas traditionnels
Pourtant, malgré l'essor des couples biactifs, les vieux réflexes ont la dent dure. « Dans 80% des cas, les femmes suivent leurs conjoints, même avec un statut pro équivalent. Elles sacrifient souvent leur carrière, car il est rare qu'elles retrouvent un poste au même niveau », observe Alice Carnot, d'Expat Communication.
Ce sacrifice est le plus souvent consenti par les femmes, les hommes refusant le statut de père au foyer qu'ils jugent humiliant. Le patriarcat et les clichés genrés sont encore d'actualité, en expatriation.
– Verónica De la Fuente, coach interculturelle
Résultat, parmi les ingénieurs qui comptent 24% de femmes, les hommes partent un peu plus souvent : 37% ont travaillé au moins un an à l'étranger, contre 30% des ingénieures, selon l'Observatoire des ingénieures.
L'expatriation en solo, plus facile en début de carrière
Zeynep Alpman a vécu deux ans aux États-Unis pour Schlumberger après son diplôme. « J'avais 27 ans, il fallait répondre en un mois. Si j'avais été mariée ou mère, cela aurait été beaucoup plus difficile. C'était une superbe occasion, je n'ai pas hésité », raconte-t-elle. Aujourd'hui maman, elle mesure sa chance d'avoir pu vivre cette expérience enrichissante au bon moment.
Des approches culturelles déstabilisantes
Si certains pays valorisent mieux les jeunes ingénieures que la France, d'autres ont une vision plus traditionnelle des rôles genrés au travail. Pour Lisa Wolffhugel, expatriée à Singapour, il a parfois fallu « prendre sur soi » face à des interlocuteurs indonésiens ou vietnamiens réticents à une prise de parole affirmée de la part d'une femme.
Un nouveau rapport au travail
Au-delà des obstacles, l'expatriation apporte un regard neuf sur sa façon de travailler. « Mes quatre ans au Canada anglophone m'ont appris un rapport au travail plus détaché, moins à fleur de peau. Je me souviens d'un chef qui m'a mise dehors à 17h30 ! Inconcevable en France », se remémore Roxane Clément, responsable HSE.
Le choc du retour
Mais gare au contre-choc du retour ! Selon Expat Communication, 75% des expatriés revenus depuis moins de deux ans ont vécu des difficultés : baisse du niveau de vie, manque de valorisation de leur expérience, isolement… Seulement 11% jugent qu'il est plus facile de rentrer que de partir.
Pour limiter la casse, mieux vaut anticiper son retour et le voir comme une nouvelle expatriation. Car même si les clichés genrés ont encore de beaux jours devant eux, de plus en plus d'ingénieures osent bousculer les codes en vivant leurs rêves de mobilité. Une tendance stimulante pour la nouvelle génération, appelée à internationaliser toujours plus les carrières… et les mentalités !