L’IA au service des fonctionnaires au Royaume-Uni

Une semaine seulement après avoir annoncé un plan ambitieux d'investissements massifs dans l'intelligence artificielle, le gouvernement britannique dévoile les détails de la façon dont cette technologie va prendre forme dans le secteur public. Au programme : des assistants IA pour accélérer les services publics, des accords de partage de données entre départements cloisonnés, et un nouvel ensemble d'outils IA - baptisé "Humphrey" en référence à un personnage d'une ancienne série télévisée politique britannique - pour faciliter le travail des fonctionnaires.

Un pari sur l'efficacité grâce à l'IA

Ces plans seront officiellement dévoilés lors d'une conférence de presse mardi, dirigée par le Department of Science, Innovation and Technology (DSIT), ainsi que deux autres départements, Work and Pensions et Health/Social Care. L'objectif affiché est clair : faire de l'IA un levier pour moderniser l'administration et rendre les services publics plus efficaces.

Selon le site Web du gouvernement britannique consacré à l'IA, ces projets n'en sont encore qu'à leurs balbutiements. Par exemple, le plan visant à intégrer davantage de services IA au sein du NHS (le système de santé publique) n'en est qu'au stade d'une "charte" engageant le concept. D'autres projets incluent des liens vers des dépôts Github pour consulter certains des travaux réalisés à ce jour.

L'IA au cœur de la transformation du secteur public

Pour le gouvernement, il s'agit avant tout d'une question d'efficience. Actuellement, l'État dépense environ 23 milliards de livres sterling par an dans les technologies, et l'idée est de redéployer cet argent de manière plus moderne grâce à l'IA. Comme l'explique Peter Kyle, le secrétaire d'État au DSIT :

Pendant trop longtemps, des technologies obsolètes ont entravé nos services publics, et cela nous coûte à tous une fortune en temps et en argent... Sans parler des maux de tête et du stress que l'on ressent après avoir été mis en attente ou obligés de faire un déplacement pour remplir un formulaire.

– Peter Kyle, secrétaire d'État au Department of Science, Innovation and Technology (DSIT)

Le DSIT va donc mettre l'IA au travail avec pour ambition de s'attaquer à l'approche décousue et peu collaborative que le secteur public a trop souvent en matière de partage d'informations et de travail conjoint au service des citoyens.

"Humphrey", le nouvel assistant IA des fonctionnaires

Parmi les mesures phares, on retrouve "Humphrey", un ensemble d'applications destinées à alléger la charge de travail quotidienne des fonctionnaires, en grande partie centrée sur les vastes quantités de données qu'ils sont tenus de lire et de traiter. Cet assistant porte le nom du personnage ironique et intelligent incarné par le regretté Nigel Hawthorne dans les séries "Yes Minister" puis "Yes, Prime Minister".

• Consult est conçu pour lire et résumer des "milliers" de réponses aux consultations en quelques heures.
• Parlex permettra aux fonctionnaires d'interroger et de lire les conversations au Parlement qui sont pertinentes pour les projets de loi ou autres documents de politique sur lesquels ils travaillent.
• Minute est un service de transcription sécurisé pour prendre des notes lors des réunions.
• Redbox aide à préparer les notes d'information et les documents de politique.
• Et Lex se concentre sur l'aide aux fonctionnaires pour trouver les données juridiques pertinentes.

Accélérer les services publics grâce à l'automatisation

Un autre volet de cette quête d'efficacité consistera à accélérer les services aux citoyens. L'objectif ici est de s'attaquer à la bureaucratie héritée du passé, dont il existe de nombreux exemples au Royaume-Uni, comme les 100 000 appels quotidiens reçus par les autorités fiscales, la nécessité de se présenter en personne pour enregistrer un décès ou encore, de manière surprenante, l'obligation de publier des annonces dans les journaux locaux dans le cadre du processus d'obtention d'un permis de conduire un camion.

Le DSIT estime que la refonte de ces processus grâce à une automatisation alimentée par l'IA pourrait permettre d'économiser 45 milliards de livres sterling par an. On ne sait pas si cette estimation tient compte du coût de la construction et de l'exploitation des services d'IA.

Démanteler les silos par le partage de données

Enfin, un dernier axe sera axé sur une plus grande collaboration entre les départements afin de partager les données pour accélérer la manière dont les services sont acquis, puis leur fonctionnement. L'idée directrice sera ici "une approche de bon sens du partage de l'information". Les départements du gouvernement central, comme le HMRC (le fisc) et le Department for Business and Trade, pourraient par exemple partager des données entre eux et avec les conseils locaux dans le cadre d'enquêtes sur la fraude.

Mais qu'en est-il de la protection des données des individus lorsque les informations sont partagées de manière imprévue ? C'est l'une des nombreuses questions que soulèvent ces projets ambitieux. De même, jusqu'où le gouvernement ira-t-il dans la confiance accordée aux conclusions de certaines IA ?

Des défis humains se poseront également. Comme le souligne un ancien fonctionnaire qui travaille désormais pour une entreprise d'IA, les efforts passés pour créer des programmes transversaux entre les départements n'ont pas toujours fonctionné. La collaboration, l'argent et l'autorité sont en fin de compte les leviers qui feront le succès ou l'échec de ces plans.

Malgré ces interrogations, une chose est sûre : le gouvernement britannique est déterminé à faire de l'IA un moteur de la transformation de ses services publics. Reste à voir si "Humphrey" et ses congénères seront à la hauteur des attentes. Une révolution de l'e-administration outre-Manche est en marche, et le monde entier observera avec intérêt cette tentative d'allier high-tech et public service.