L’IA face au dilemme de l’utilisation des contenus de presse
L'intelligence artificielle bouleverse de nombreux secteurs, et celui de la presse n'y échappe pas. Avec le lancement en mai dernier de la fonctionnalité "AI Overviews" par Google, les éditeurs de presse se retrouvent face à un véritable dilemme. Laisser le géant du web aspirer leurs contenus pour alimenter son IA, au risque de perdre en visibilité, ou refuser et se voir déclassés dans les résultats de recherche. Un dilemme aux lourdes conséquences pour le pluralisme de l'information et la survie économique des médias.
Google impose son IA aux éditeurs de presse
Fin mai, Google a lancé « AI Overviews », un outil intégré à son moteur de recherche permettant d'obtenir un résumé en langage naturel des résultats, généré par intelligence artificielle. Si cette nouveauté peut sembler pratique pour les internautes, elle inquiète fortement les éditeurs de presse.
En effet, en fournissant directement la réponse à la requête, Google court-circuite le besoin de cliquer sur les liens des médias pour obtenir l'information. Résultat, une potentielle baisse significative du trafic pour les sites de presse, déjà observée par certains éditeurs quelques jours seulement après le lancement d'AI Overviews.
Une indexation problématique pour les médias
Mais le plus problématique réside dans la manière dont Google indexe les contenus. Comme l'a révélé Bloomberg, le robot d'indexation Googlebot utilisé pour générer les résumés par IA est le même que celui qui indexe les pages pour les résultats classiques. Concrètement, cela signifie que si un éditeur refuse que son contenu soit utilisé par l'IA de Google, il risque de disparaître purement et simplement des résultats de recherche, y compris de Google Discover.
Google affirme que ses outils permettent aux éditeurs de bloquer certaines parties de leurs pages. Mais en pratique, un blocage total s'avère impossible. Les éditeurs de presse se retrouvent donc pris au piège, contraints de laisser Google utiliser leurs contenus sous peine de devenir invisibles, dans un contexte où le moteur de recherche représente 90% des parts de marché.
L'impossible choix des éditeurs face aux pratiques de Google
C'est un véritable dilemme pour la presse. D'un côté, accepter de voir son contenu aspiré par Google, avec le risque de perdre en audience propre si les internautes se contentent du résumé fourni par l'IA. De l'autre, refuser et devenir invisible sur la principale porte d'entrée du web.
Les éditeurs sont pris entre le marteau et l'enclume. S'opposer à Google, c'est risquer de se couper de la majorité du trafic. Mais accepter, c'est voir son contenu phagocyté par l'IA sans garantie de retour.
– Un responsable d'un grand média français
Un dilemme d'autant plus vital que pour de nombreux médias, le trafic en provenance de Google représente une part significative de leur audience et donc de leurs revenus publicitaires. Refuser l'indexation reviendrait, pour certains, à signer leur arrêt de mort.
Quelles alternatives pour les éditeurs ?
Face à cette situation, quelles options s'offrent à la presse ? Certains envisagent des actions en justice, pour abus de position dominante ou atteinte aux droits voisins. D'autres misent sur une évolution de la réglementation, pour mieux protéger les contenus de presse face aux géants du web.
Des voix s'élèvent aussi pour réclamer un meilleur partage de la valeur entre Google et les éditeurs, sur le modèle des accords conclus en France sur les droits voisins. L'idée ? Que Google rémunère les médias pour l'utilisation de leurs contenus par son IA.
- Rémunérer les éditeurs pour l'utilisation de leur contenu par l'IA de Google
- Permettre aux éditeurs de choisir quelles parties de leur contenu peuvent être indexées
- Obliger Google à différencier l'indexation pour son IA et pour les résultats classiques
Mais la route s'annonce longue et semée d'embûches, face à la toute puissance de Google. Le géant du web a déjà fait savoir qu'il contesterait toute tentative de régulation, au nom de la liberté d'expression et d'information.
Vers un appauvrissement du paysage médiatique ?
Au-delà du cas Google, c'est toute la question de la place des contenus de presse dans l'écosystème des IA génératives qui se pose. Avec le risque de voir les contenus originaux noyés sous les résumés et synthèses générés automatiquement.
Un risque réel d'appauvrissement de l'information, avec des internautes qui se contenteraient des réponses fournies par les IA sans plus aller à la source. Et un danger pour le pluralisme et la qualité de l'information, si les médias venaient à réduire la voilure faute de visibilité suffisante.
Il est crucial de trouver un équilibre entre les apports de l'IA et la préservation d'une presse de qualité et diversifiée. C'est un enjeu démocratique majeur à l'heure de la société de l'information.
– Une experte en éthique de l'IA
L'avenir nous dira si les éditeurs sauront trouver leur place dans ce nouveau paysage médiatique bousculé par les IA. Une chose est sûre : la question de l'utilisation des contenus de presse par les IA génératives est loin d'être réglée, et promet encore de nombreux débats dans les mois et années à venir.