L’IA générative de Nvidia dans la tourmente

Alors que l'intelligence artificielle générative suscite un engouement sans précédent, les géants de la tech multiplient les dérives pour alimenter leurs modèles en données d'entraînement, sans se soucier des questions de propriété intellectuelle. Dernier cas en date : le fabricant de puces Nvidia et son projet secret Cosmos, qui aurait aspiré des millions d'heures de vidéo depuis YouTube, Netflix et d'autres sources, le tout sans autorisation.

Nvidia pris la main dans le sac

Nvidia, connu surtout pour ses processeurs graphiques ultra-performants indispensables à l'IA, développe aussi ses propres modèles génératifs pour concurrencer OpenAI, Google ou Meta. D'après le site 404 Media, l'entreprise de Jensen Huang aurait mis en place un vaste système d'aspiration de données vidéo baptisé Cosmos :

• 700 000 heures de vidéo aspirées chaque jour depuis YouTube, Netflix et le site de bandes-annonces MovieNet.
• D'autres sources comme les bases de données WebVid, InternVid-10M et HD-VG-130M ont aussi été mises à contribution.
• L'objectif : améliorer le générateur 3D Omniverse, la plateforme de simulation Drive Sim et les modèles de "humains numériques".

Le tout, évidemment, sans demander la permission aux ayants droit. Un projet approuvé "au plus haut niveau" chez Nvidia, avec l'intention de mettre les autres parties devant le fait accompli et de s'arranger plus tard. Un modus operandi malheureusement très répandu dans le milieu de l'IA...

Mieux vaut s'excuser que demander la permission ?

Nvidia est loin d'être un cas isolé. OpenAI, Runway AI, Stability AI et bien d'autres ont recours aux mêmes méthodes pour gaver leurs IA de données d'entraînement, sans vraiment se préoccuper des droits associés. Leur argument : le modèle ne ferait "qu'apprendre" à partir des contenus, comme un humain apprend en lisant ou en regardant des vidéos.

Une argumentation de mauvaise foi qui s'appuie sur le mysticisme entourant l'IA, alors que leur fonctionnement revient à extraire et restituer les éléments clés des données d'entraînement.

Au final, les IA génératives actuelles ne sont que des systèmes de compression et remixage de contenus générés par des humains, plutôt que de réelles "intelligences". Le tout avec une consommation énergétique et computationnelle faramineuse.

Vers une prise de conscience ?

Face à la multiplication des cas d'abus, certains commencent à réagir. Des artistes, auteurs et éditeurs envisagent des actions en justice contre les entreprises ne respectant pas leur propriété intellectuelle. Des voix s'élèvent aussi pour exiger une meilleure transparence sur les données d'entraînement et un partage des revenus avec les créateurs originaux.

Mais pour l'instant, l'appât du gain et les promesses de l'IA semblent plus forts que toute considération éthique. Nvidia, OpenAI et consorts préfèrent demander pardon que la permission, en pariant sur leur puissance financière et technique pour s'imposer comme les maîtres de l'IA générative. Quitte à sacrifier au passage les notions de respect des créateurs et de la propriété intellectuelle.

Un "Far West" de l'intelligence artificielle qui ne pourra pas durer éternellement. À mesure que la technologie se démocratise, la société civile et les régulateurs finiront par exiger des pratiques plus vertueuses de la part des géants de la tech. Ceux qui sauront anticiper ce changement de paradigme disposeront d'un avantage certain. Les autres risquent de subir le courroux de créateurs et utilisateurs lassés de se faire flouer au nom du "progrès" de l'IA.