L’impact de la crise du gaz russe sur l’économie autrichienne

L'annonce était attendue mais elle sonne néanmoins comme un coup de tonnerre pour l'économie autrichienne. La Russie a informé Vienne qu'elle suspendrait ses livraisons de gaz au pays à compter de ce samedi. Cette décision marque la fermeture de la dernière voie d'acheminement du gaz russe vers l'Europe occidentale et risque de mettre à rude épreuve la résilience énergétique de l'Autriche.

Une dépendance historique au gaz russe

Si l'Europe s'est largement détournée du gaz russe depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Autriche fait figure d'exception. Vienne entretient en effet des liens gaziers étroits et anciens avec Moscou. En 1968, elle fut le premier pays d'Europe occidentale à signer un contrat d'approvisionnement avec l'URSS.

Aujourd'hui encore, l'Autriche dépend à près de 80% du gaz russe pour couvrir ses besoins énergétiques. Un niveau de dépendance parmi les plus élevés du continent. Le pays a certes réduit ses importations depuis février 2022, mais sa marge de manœuvre reste limitée à court terme pour compenser la perte des flux russes.

Un contentieux entre Gazprom et OMV

L'arrêt des livraisons annoncé par Gazprom fait suite à un contentieux commercial l'opposant à la compagnie énergétique autrichienne OMV. Moscou reproche à cette dernière des retards de paiement quand Vienne dénonce des conditions contractuelles abusives.

Au-delà de ce différend spécifique, cette annonce s'inscrit dans un contexte de fortes tensions entre la Russie et les pays européens sur la question énergétique depuis le début du conflit en Ukraine. Moscou utilise son gaz comme une arme géopolitique pour tenter de diviser les Européens et affaiblir leur soutien à Kiev.

Des répercussions sur l'industrie manufacturière

Si le gouvernement autrichien se veut rassurant, affirmant que les stocks de gaz sont remplis à plus de 90% et qu'aucun foyer ne sera privé de chauffage, l'impact économique s'annonce plus préoccupant. L'industrie manufacturière, fortement consommatrice de gaz, pourrait être la première touchée.

Nous nous attendons à ce que cela exacerbe la crise énergétique en Autriche, qui a provoqué une baisse significative de la demande en gaz et a touché le secteur manufacturier

Analystes d'Eurointelligence

Certaines usines pourraient être contraintes de réduire leur production, voire de fermer temporairement, faute de gaz en quantité suffisante ou à des prix compétitifs. Un nouveau choc pour une économie autrichienne déjà fragilisée par la crise du Covid-19 et l'inflation.

Accélérer la diversification énergétique

Face à ce défi, l'Autriche n'a d'autre choix que d'accélérer à marche forcée sa stratégie de diversification énergétique pour réduire sa dépendance au gaz russe. Plusieurs pistes sont envisagées :

• Augmenter les importations via d'autres gazoducs connectés à l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas
• Développer les capacités de GNL avec la construction de nouveaux terminaux
• Accélérer le déploiement des énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique)
• Encourager la baisse de la consommation de gaz dans l'industrie et les foyers

Parallèlement, Vienne espère trouver rapidement un accord avec Gazprom pour reprendre les livraisons même à un niveau réduit. Des discussions sont en cours mais l'issue reste incertaine au vu des tensions géopolitiques actuelles entre la Russie et l'Occident.

Un test pour la solidarité européenne

Au-delà de l'Autriche, cet épisode constitue un test pour la solidarité et la coordination énergétique européenne. Depuis le début de la crise, l'UE s'efforce de parler d'une seule voix face à Moscou et d'aider les pays les plus dépendants à sécuriser leur approvisionnement.

Des efforts ont été entrepris pour mutualiser les achats de gaz, remplir les stocks au niveau européen et définir des plans d'urgence en cas de rupture d'approvisionnement. Reste à savoir si ces mécanismes seront suffisants pour compenser l'arrêt des livraisons russes en Autriche.

Cette nouvelle étape dans le bras de fer énergétique entre l'UE et la Russie intervient alors que les dirigeants européens sont divisés sur la conduite à tenir face à Vladimir Poutine. Le récent appel entre le président russe et le chancelier allemand Olaf Scholz illustre la complexité de l'équation pour des Européens tiraillés entre fermeté et nécessité de maintenir un dialogue avec Moscou.

L'Autriche, par sa proximité traditionnelle avec la Russie mais aussi sa dépendance gazière, se retrouve en première ligne dans ce dilemme stratégique. Sa capacité à surmonter l'épreuve de force imposée par le Kremlin dans les prochains mois sera scrutée de près et pourrait servir de test à plus grande échelle pour le reste du continent.