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L’impact des exonérations fiscales sur les start-ups innovantes
Les start-ups, moteurs de l'innovation et de la croissance en France, sont sous le feu des projecteurs avec la récente loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. En effet, ce nouveau budget revoit les conditions d'accès aux exonérations fiscales dont bénéficient les Jeunes Entreprises Innovantes (JEI). Une mesure qui pourrait avoir un impact significatif sur la compétitivité et l'attractivité de l'écosystème start-up français. Décryptage.
Les JEI, un statut crucial pour les start-ups innovantes
Créé en 2004, le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) offre aux start-ups des exonérations de cotisations sociales sur les rémunérations versées à leurs salariés actifs dans la R&D. Un avantage fiscal non négligeable qui permet aux jeunes pousses de réduire leurs coûts salariaux et d'investir davantage dans l'innovation.
Pour être éligible au statut JEI, une entreprise doit remplir plusieurs critères :
- Avoir moins de 8 ans d'existence
- Être une PME au sens communautaire
- Réaliser des dépenses de R&D représentant au moins 15% des charges
Grâce à ce dispositif, de nombreuses start-ups ont pu se développer et contribuer au rayonnement de la French Tech à l'international. Selon France Stratégie, le statut JEI a permis de créer ou sauvegarder près de 25 000 emplois entre 2004 et 2016.
Un durcissement des conditions d'accès
Mais alors que le statut JEI a prouvé son efficacité, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 vient durcir les conditions d'éligibilité. Désormais, pour accéder aux exonérations, les start-ups devront justifier de dépenses de R&D représentant au moins 20% de leurs charges, contre 15% auparavant.
Un changement qui risque d'exclure de nombreuses jeunes pousses du dispositif, en particulier celles qui n'ont pas une activité de recherche pure mais qui innovent dans leurs usages, leurs procédés ou leurs modèles économiques. Selon une étude du Syntec Numérique, ce sont potentiellement 1 500 start-ups qui pourraient perdre le bénéfice des exonérations JEI en 2025.
Ce nouveau seuil à 20% est une très mauvaise nouvelle pour les start-ups. Cela va considérablement réduire le nombre d'entreprises éligibles et pénaliser l'innovation sous toutes ses formes.
Jean-David Chamboredon, Président de l'association France Digitale
Des conséquences sur l'attractivité et la compétitivité
Au-delà de l'impact direct sur les start-ups concernées, qui vont voir leurs coûts augmenter significativement, cette mesure risque aussi de porter atteinte à l'attractivité globale de l'écosystème français. Dans un contexte de concurrence internationale exacerbée pour attirer les talents et les investissements, toute mesure fiscale négative peut avoir des effets délétères.
La France n'est déjà que le 11ème pays de l'OCDE en termes de soutien fiscal à la R&D des entreprises. Avec environ 0,4% du PIB consacré aux aides fiscales à l'innovation en 2019, l'Hexagone se situe loin derrière des pays comme le Royaume-Uni (0,69%), les Pays-Bas (0,62%) ou encore l'Irlande (0,54%).
Réduire encore les avantages fiscaux pour l'innovation pourrait donc inciter certaines start-ups à se développer sous d'autres cieux, attirées par des écosystèmes plus favorables. Un risque pour l'emploi, mais aussi pour la compétitivité à long terme de l'économie française.
Vers une clarification des critères d'éligibilité ?
Face aux inquiétudes suscitées par l'évolution du statut JEI, le gouvernement a tenté de rassurer, en évoquant une volonté de mieux cibler le dispositif sur les start-ups réellement engagées dans une démarche d'innovation de rupture.
Notre objectif n'est pas de pénaliser les start-ups, mais de concentrer l'effort sur celles qui en ont le plus besoin pour développer des innovations de pointe. Nous allons engager une concertation avec l'écosystème pour clarifier les critères.
Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie
Une main tendue bienvenue, mais qui devra se traduire par des actes. Car au-delà du critère des 20% de dépenses R&D, c'est plus largement la question de la définition de l'innovation qui se pose. À l'heure de la transformation numérique, l'innovation ne se résume plus à la recherche fondamentale mais irrigue tous les secteurs.
Il faut espérer que le gouvernement saura entendre les propositions des acteurs de l'écosystème pour faire évoluer le statut JEI, sans le vider de sa substance. L'enjeu est de taille pour préserver le dynamisme et le rayonnement de la French Tech, dans un monde où l'innovation est plus que jamais un facteur clé de compétitivité.