L’impact économique des sanctions mutuelles entre la Chine et l’UE
La ville de Cognac, renommée pour ses vignobles et son spiritueux mondialement connu, se retrouve aujourd'hui prise en étau dans une querelle économique opposant Bruxelles à Pékin. En cause : le projet européen de surtaxer les véhicules électriques importés de Chine, auquel cette dernière a réagi en instaurant des mesures "anti-dumping" visant notamment le cognac. Une situation qui inquiète fortement les acteurs économiques de la région.
14 500 emplois menacés en Charente
Avec 97% de ses ventes réalisées à l'export, la filière cognac représente pas moins de 14 500 emplois directs en Charente. Des emplois aujourd'hui menacés par les mesures de rétorsion prises par la Chine, qui a décidé de taxer lourdement les eaux-de-vie européennes suite à la décision de l'UE de surtaxer ses véhicules électriques.
Une décision lourde de conséquences pour le secteur, déjà pénalisé par un contexte économique morose. Comme l'explique Anthony Brun, président de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac :
On vient de sortir de 10 années de croissance continue et depuis deux ans, il y a une crise économique mondiale qui nous impacte directement. Si en plus de ça, on vient rajouter la perte de notre deuxième marché, les conséquences seront catastrophiques.
– Anthony Brun, président de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac
La Chine, un marché crucial pour le cognac
Deuxième marché d'exportation derrière les États-Unis, la Chine est en effet devenue un débouché essentiel pour les producteurs de cognac ces dernières années. Un marché sur lequel la clientèle est friande des flacons les plus anciens et les plus chers, et qui risque de se tarir avec la mise en place de taxes pouvant aller jusqu'à 39% de la valeur de la marchandise.
Une pilule d'autant plus dure à avaler pour la filière que ces mesures de rétorsion chinoises interviennent en réaction à une décision européenne de taxation des véhicules électriques à laquelle la France a activement contribué. Un choix politique qui pourrait donc coûter très cher à l'un des fleurons de l'économie française.
Un secteur automobile lui aussi impacté
Mais l'industrie du cognac n'est pas la seule à subir les conséquences de ce bras de fer commercial. Le secteur automobile local, qui profitait jusqu'à présent de l'engouement pour les véhicules électriques chinois, se retrouve lui aussi pénalisé, à l'image de la concession MG Motor de Cognac.
Son directeur Christophe Bouetard ne cache pas son inquiétude face à une situation qui le place dans une position délicate :
On est pris en étau entre la région, l'image du cognac et l'image de nos véhicules chinois qui aujourd'hui sont en conflit à cause de ces taxes européennes.
Déjà soumis à une taxe à l'importation de 10%, ses véhicules pourraient subir dès le 31 octobre une surtaxe allant jusqu'à 45% pour une durée de 5 ans. De quoi sérieusement compliquer la donne pour les concessionnaires locaux.
L'équation impossible du "en même temps"
Plus globalement, cette affaire met en lumière les limites d'une politique cherchant à concilier des intérêts souvent contradictoires. En taxant les véhicules chinois au nom de la protection de son industrie et de la transition écologique, tout en promouvant les exportations de produits de luxe comme le cognac, l'UE se retrouve face à une équation impossible.
Une situation pour le moins inconfortable, qui illustre la difficulté de mener de front des objectifs aussi ambitieux que la réindustrialisation, la décarbonation de l'économie ou encore la conquête des marchés internationaux, dans un contexte de tensions commerciales exacerbées.
Vers une résolution du conflit ?
Face à l'ampleur des répercussions, les autorités françaises tentent de reprendre la main. Le gouvernement conteste la légalité des mesures chinoises auprès de l'OMC, pendant que s'activent les réseaux diplomatiques pour renouer le dialogue avec Pékin.
Mais pour l'heure, c'est toute une filière qui retient son souffle, suspendue à l'issue d'un conflit commercial dont elle se serait bien passée. Une filière tributaire de la capacité de l'UE à défendre efficacement ses intérêts, sans sacrifier des pans entiers de son économie sur l'autel d'un protectionnisme à géométrie variable.
Espérons que le bon sens et l'esprit de coopération finiront par l'emporter. Car ce n'est qu'en travaillant main dans la main que l'Europe et la Chine parviendront à relever les défis colossaux qui les attendent, de la transition énergétique à la conquête de nouveaux marchés, en passant par le développement d'une économie plus durable et plus juste.
