L’impact environnemental des projets miniers controversés en Guyane
La décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux, en novembre 2024, de bloquer le renouvellement des concessions minières du projet Montagne d'Or en Guyane a mis un terme à une saga judiciaire et environnementale de plusieurs années. Ce projet d'exploitation aurifère à ciel ouvert, porté par un consortium russo-canadien, cristallisait les tensions entre les enjeux économiques et écologiques liés à l'activité minière en France.
Montagne d'Or : un projet devenu symbole des controverses minières
Avec ses deux concessions minières, baptisées Élysée et Montagne d'or, au cœur de la forêt guyanaise, le projet prévoyait la construction d'une mine à ciel ouvert et d'une usine de cyanuration pour exploiter un gisement estimé à plus de 85 tonnes d'or. Mais son ampleur, avec la destruction de centaines d'hectares de forêt tropicale abritant une biodiversité unique, et les risques de pollution liés aux processus d'extraction ont suscité une vive opposition des défenseurs de l'environnement.
Malgré le soutien initial des autorités et les promesses de retombées économiques, le projet s'est enlisé dans une bataille judiciaire et politique. Les opposants ont multiplié les recours pour dénoncer les atteintes à l'environnement tandis que les défenseurs du projet soulignaient les bénéfices attendus en termes d'emplois et de recettes fiscales, ainsi que les garanties apportées en matière de protection environnementale et de réhabilitation du site.
Le long chemin juridique vers l'abandon du projet
Après de multiples rebondissements devant les tribunaux, qui ont vu le gouvernement et les associations environnementales longtemps déboutés, le projet a finalement été stoppé net fin 2024 sur décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux. S'appuyant sur un changement législatif intervenu en 2022 à l'initiative du Conseil constitutionnel, qui impose de mieux prendre en compte l'impact environnemental des projets miniers, les juges ont estimé que les installations prévues, qualifiées d'«extrêmement polluantes», présentaient un «risque d'atteintes graves à l'environnement» dans une zone de «biodiversité exceptionnelle».
Un épilogue judiciaire qui sonne comme une victoire pour les organisations écologistes mobilisées depuis des années contre ce projet devenu un symbole. Mais aussi une déconvenue pour les industriels, qui jugent ce revers emblématique des difficultés croissantes à développer l'activité minière en France, y compris pour des minerais stratégiques et convoités comme l'or, alors même que son cours n'a jamais été aussi haut.
L'épineuse question de l'impact environnemental des mines
Au-delà du cas de Montagne d'Or, qui aura focalisé l'attention pendant près d'une décennie, l'abandon de ce projet invite à s'interroger plus largement sur la place et l'acceptabilité des activités minières en France au regard de leurs impacts environnementaux. Si le sous-sol français, en métropole comme en Guyane, recèle d'importants gisements de minerais, leur exploration et leur exploitation se heurtent à des contraintes réglementaires et sociétales croissantes.
Les industriels du secteur arguent que le développement de projets miniers responsables, portés par des entreprises aux standards internationaux, constitue le meilleur rempart à la prolifération des mines illégales, qui ravagent l'environnement en toute impunité. Ils mettent en avant les progrès réalisés en matière de protection de la biodiversité, de gestion de l'eau et des déchets, ainsi que les retombées économiques et sociales de leurs activités pour les territoires.
Mais leurs opposants jugent ce raisonnement spécieux, estimant que l'ouverture de mines légales reste trop impactante à grande échelle et n'empêche pas le développement en parallèle de sites clandestins. S'appuyant sur le renforcement du droit de l'environnement et le changement de paradigme énergétique et écologique, ils militent pour un encadrement plus strict des projets, voire un moratoire sur toute nouvelle exploitation.
Il y a une victoire du court terme sur le long terme dans les marchés des métaux.
– Yves Jégourel, institut CyclOpe
Une équation complexe pour les pouvoirs publics, écartelés entre la volonté de soutenir une filière pourvoyeuse d'activité et de recettes fiscales, la nécessité de sécuriser les approvisionnements en métaux stratégiques et l'impératif écologique. L'élaboration en cours d'un nouveau code minier vise à trouver un équilibre, mais il est peu probable qu'elle éteigne les controverses sur un secteur qui cristallise les passions. L'épilogue de Montagne d'Or en Guyane pourrait en annoncer d'autres.