Lina Khan, présidente de la FTC, sur l’innovation et les startups
Nommée plus jeune présidente de l'histoire de la Federal Trade Commission (FTC) en 2021, Lina Khan s'est donnée pour mission de réguler les géants de la tech et de promouvoir une concurrence saine pour favoriser l'innovation, en particulier celle des startups. Avec la fin de son mandat prévue en septembre, quel bilan peut-on tirer de son action ?
Une FTC volontariste malgré des moyens limités
Sous l'impulsion de Lina Khan, la FTC a adopté une communication plus offensive envers les mastodontes du numérique comme Google, Meta, Amazon ou Apple. Une stratégie notable étant donné la taille relativement modeste de l'agence : 1300 employés, 150 dossiers traités simultanément et un budget annuel de seulement 400 millions de dollars.
Nous sommes une petite agence, mais nous frappons clairement au-dessus de notre poids.
– Lina Khan, présidente de la FTC
Vers des marchés ouverts et compétitifs
Pour Lina Khan, l'enjeu est de s'assurer que les marchés restent ouverts et concurrentiels, plutôt que de laisser certains acteurs dominants émerger au détriment de l'innovation. Lors d'un récent déplacement dans la Silicon Valley, elle a pu constater les inquiétudes de nombreux fondateurs de startups face à l'opacité entourant l'accès à certains éléments clés comme la puissance de calcul, les modèles d'IA ou la protection de leurs données propriétaires.
Surveillance des partenariats stratégiques
La FTC se montre également vigilante sur les nouvelles formes de deals entre grands groupes, à l'image du partenariat entre Microsoft et Inflection AI. Sans pouvoir commenter les dossiers en cours, Lina Khan indique que l'agence a lancé une enquête sur ces partenariats et investissements stratégiques, pour vérifier qu'ils ne conduisent pas à des accès privilégiés pour certains et des exclusions pour d'autres.
Historique : le choix de la concurrence
Face à l'argument selon lequel il faudrait protéger les champions nationaux de l'antitrust pour des raisons de sécurité nationale, Lina Khan rappelle que par le passé, les États-Unis ont toujours choisi la voie de la concurrence :
- Dans les années 1980, le Département de la Défense avait tenté de tempérer l'action antitrust contre AT&T.
- À chaque fois, les USA ont opté pour la concurrence plutôt que les monopoles.
- Ce choix a alimenté de nombreuses innovations de rupture et une croissance remarquable.
Rassurer les startups et les investisseurs
Lina Khan se veut rassurante envers les fondateurs et capital-risqueurs qui s'inquiètent de l'interventionnisme de la FTC. Elle souligne que sur 3000 opérations de fusions-acquisitions notifiées chaque année, seules 2% font l'objet d'un examen approfondi. Et d'ajouter :
Si vous êtes une startup désireuse d'une acquisition comme porte de sortie, je pense qu'un monde avec six, sept ou huit acheteurs potentiels est préférable à un monde où vous n'en avez qu'un ou deux.
– Lina Khan, présidente de la FTC
Une stratégie d'application ciblée
Même si le nombre d'actions intentées par la FTC est en hausse, Lina Khan juge que leur qualité prime sur la quantité. L'agence cible les comportements qu'elle estime les plus dommageables et systémiques, en allant s'attaquer directement aux acteurs dominants :
De la même manière que s'en prendre au parrain sera plus efficace que de poursuivre les hommes de main, vous voulez être efficace dans votre stratégie d'application.
– Lina Khan, présidente de la FTC
Cet accent mis sur le risque antitrust en amont des opérations semble porter ses fruits, les avocats spécialisés indiquant que cette question est désormais au cœur des discussions préalables aux deals.
L'IA au service de la régulation ?
Pour démultiplier les capacités de sa petite équipe, la FTC envisage de recourir à l'intelligence artificielle, notamment pour ses analyses économiques. Mais cela nécessitera des mises à niveau significatives de ses capacités de calcul, pour lesquelles Lina Khan a demandé des fonds supplémentaires au Congrès.
Alors que son mandat touche à sa fin, Lina Khan laissera certainement une empreinte durable sur la régulation de la tech aux États-Unis. Son volontarisme aura contribué à remettre la concurrence et l'intérêt des consommateurs au cœur du débat, tout en suscitant des inquiétudes sur les risques d'une régulation trop interventionniste. L'équilibre est délicat à trouver, mais une chose est sûre : sous son impulsion, la FTC n'entend plus laisser le champ libre aux géants du numérique.