L’incroyable révolution des médicaments génériques en France
C'est une petite révolution qui se prépare dans l'ombre des grands laboratoires pharmaceutiques français. Alors que le groupe Servier envisage de céder sa branche de médicaments génériques Biogaran, les enjeux vont bien au-delà d'une simple transaction financière. Derrière ce "feuilleton industriel", comme le surnomment les initiés, se dessinent les contours de l'avenir des médicaments génériques "Made in France".
Biogaran : le joyau des génériques français
Numéro un des médicaments génériques dans l'Hexagone, Biogaran est un acteur clé du marché. Avec près d'un générique sur quatre vendu en pharmacie, la filiale de Servier pèse lourd dans le paysage pharmaceutique français. Mais malgré ce leadership, le groupe a décidé de s'en séparer pour se recentrer sur d'autres activités jugées plus porteuses, comme l'oncologie.
Les prétendants se bousculent
Depuis l'annonce de la mise en vente, les candidats à la reprise ne manquent pas. Parmi eux, le géant indien Aurobindo, déjà présent en France via sa filiale Arrow. Mais aussi le tandem composé du fonds britannique BC Partners et de la BPI française. Deux offres bien différentes, entre logique industrielle et financière, qui soulèvent de nombreuses interrogations.
L'enjeu de la souveraineté
Au-delà de l'avenir de Biogaran, c'est la question de l'indépendance de la France en matière de médicaments qui est posée. Les craintes d'une délocalisation de la production en cas de rachat par un acteur étranger sont vives, comme en témoigne une pétition lancée par les salariés qui a recueilli plus de 24 000 signatures.
Nous redoutons une perte de souveraineté si la production est délocalisée, moins de réactivité face à des crises sanitaires, plus de ruptures de stocks en pharmacies et la suppression d'emplois.
– Extrait de la pétition des salariés de Biogaran
Face à ces inquiétudes, le gouvernement se veut rassurant et n'exclut pas d'utiliser son droit de regard sur les investissements étrangers dans des secteurs stratégiques. Mais dans un contexte politique incertain, rien n'est moins sûr.
Un virage stratégique pour Servier
Si Servier se sépare de Biogaran, c'est pour mieux se concentrer sur les médicaments innovants et spécialisés, à plus forte valeur ajoutée. Un choix stratégique dans la droite ligne des grands laboratoires mondiaux, qui misent de plus en plus sur l'oncologie et les maladies rares au détriment des activités traditionnelles.
Pour financer ce virage, la vente de sa division générique apparaît comme une nécessité. Malgré un potentiel de croissance réel, Biogaran ne rentre plus dans les priorités du groupe. Un changement de cap qui n'est pas sans risque, mais qui témoigne d'une volonté de transformation profonde.
Un dossier sous haute surveillance
Alors que les discussions se poursuivent dans la plus grande discrétion, tous les regards sont tournés vers Bercy. Car au-delà des enjeux industriels et sociaux, c'est bien l'État qui aura le dernier mot. En pleine accalmie politique, le dossier Biogaran sera un test grandeur nature de la volonté du gouvernement de défendre la souveraineté sanitaire française.
Une chose est sûre : la cession du leader tricolore des médicaments génériques ne laissera personne indifférent. Entre impératifs économiques, intérêts stratégiques et préoccupations sociales, le feuilleton Biogaran n'a pas fini de faire parler de lui. Avec à la clé, une possible redistribution des cartes sur l'échiquier pharmaceutique français.
Les prochaines semaines s'annoncent décisives pour l'avenir d'un fleuron national et de ses salariés. Mais aussi pour l'indépendance de la France en matière de médicaments, à l'heure où les enjeux de souveraineté sanitaire n'ont jamais été aussi prégnants. Un dossier épineux pour l'exécutif, qui devra trouver le juste équilibre entre les impératifs de l'industrie et la défense de l'intérêt général. Le compte à rebours est lancé...