L’indispensable et urgente réforme des certificats d’économie d’énergie
Alors que la France vise une baisse de 30% de sa consommation d'énergie d'ici 2030, les certificats d'économie d'énergie (CEE), principal levier pour financer les travaux d'efficacité énergétique, nécessitent une profonde réforme. C'est le constat sans appel dressé par trois rapports publiés récemment par la Cour des Comptes, l'Inspection générale des finances et le cabinet Colombus Consulting.
Mis en place en 2005, le dispositif des CEE oblige les fournisseurs d'énergie à financer des économies d'énergie en fonction de leurs volumes de vente. Un mécanisme précieux qui ne pèse pas sur les finances publiques. Pourtant, les objectifs très ambitieux fixés pour la 5ème période (2022-2025), rehaussés de 2600 à 3100 TWh cumac suite à la crise énergétique, semblent aujourd'hui hors d'atteinte.
Un dispositif qui cumule les défauts
Parmi les principaux griefs adressés aux CEE :
- Une instabilité chronique, avec pas moins de 280 textes adoptés depuis 2018
- Des contrôles insuffisants malgré les tentatives de réduire fraudes et effets d'aubaine
- Des gains théoriques surévalués d'au moins 30% selon la Cour des Comptes
- Un coût (154€/an/ménage) intégralement répercuté sur la facture des consommateurs
- Seulement 70% des sommes reversées aux bénéficiaires, le reste étant capté par l'État, les programmes annexes ou les intermédiaires
Pour la Cour des Comptes, les CEE équivalent à une taxe sur les consommations d'énergie qui ne dit pas son nom, pesant essentiellement sur les ménages de manière anti-redistributive.
Des gisements d'économies d'énergie insuffisants
Autre problème majeur : les gisements de CEE économiquement atteignables ne permettront pas de doubler ou tripler les objectifs pour la période 2026-2030 comme envisagé par le gouvernement. Les études estiment leur contribution potentielle entre 51% et 88% de l'objectif national. Il faudrait étendre le dispositif à de nouveaux secteurs comme les transports ou l'agriculture.
De plus, ce n'est pas parce qu'un gisement est disponible que les travaux se font, ceux-ci étant souvent déclenchés via d'autres aides comme MaPrimeRénov'. Fixer des objectifs inatteignables ferait peser un risque de ne pas atteindre la cible de réduction des consommations.
Quelles pistes de réforme ?
Si la Cour des Comptes suggère carrément de supprimer le dispositif, jugeant peu probable une adoption rapide des réformes nécessaires, tous les acteurs rejettent cette option. Parmi les pistes d'amélioration :
- Soumettre les objectifs au Parlement et les inscrire dans la PPE
- Supprimer les programmes annexes et bonifications
- Mettre en place un plan anti-fraude
- Asseoir le calcul des économies sur des résultats constatés et publier les économies réelles
La Direction générale énergie climat a annoncé un programme pour évaluer les CEE, tandis que l'Ademe va mener une nouvelle étude sur le dispositif. Certains proposent aussi de développer de nouvelles fiches CEE liées à l'électrification des véhicules et de l'industrie.
Transformer les CEE en crédits carbone, une fausse bonne idée
Certains évoquent la possibilité de transformer les CEE en certificats carbone. Mais pour la Cour des Comptes, l'Europe attend une réponse spécifique sur l'efficacité énergétique. De plus, d'autres outils traitent déjà des émissions, comme la taxe carbone ou le marché carbone européen qui sera étendu en 2027.
Une chose est sûre : pour atteindre les ambitieux objectifs climat-énergie, le dispositif des certificats d'économie d'énergie doit impérativement monter en efficacité. Sa réforme, attendue par tous les acteurs, n'a que trop tardé. Espérons que les récentes analyses permettront d'y voir plus clair et d'engager rapidement les changements nécessaires.