L’industrie russe de la cybersécurité en quête de nouveaux marchés
Dans le sillage de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, l'industrie russe de la cybersécurité traverse une période de turbulences sans précédent. Frappés de plein fouet par les sanctions occidentales et la fermeture de leur marché domestique, les géants du secteur comme Kaspersky ou Positive Technologies sont contraints de se réinventer pour survivre. Cap sur l'Afrique et l'Asie, en quête de nouveaux clients et de bases de données virales pour rester dans la course technologique.
Des sanctions paralysantes
Le bannissement de Kaspersky du marché américain dès cet été illustre la situation délicate des acteurs russes de la cybersécurité. Privés de mises à jour, leurs produits deviendront rapidement obsolètes face aux nouvelles menaces. Un coup dur pour ces entreprises dont les revenus à l'export représentaient une part significative.
On partait du principe que toute fermeture autour de la technologie pourrait être néfaste, mais on constate aujourd'hui que les entreprises de cybersécurité arrivent à s'en sortir.
Marie-Gabrielle Bertran, doctorante spécialiste du développement logiciel en Russie
Un marché intérieur verrouillé
Paradoxalement, la fermeture du marché russe aux éditeurs étrangers offre des opportunités en or aux champions locaux. Kaspersky et Dr.Web se partagent désormais le lucratif secteur des antivirus, dopé par la demande en forte hausse de protection des sites institutionnels depuis le début de la guerre. L'obligation de recourir à des solutions russes pour les contrats publics renforce encore leur position.
Le flou entre offensif et défensif
Si officiellement concentrées sur la cyberdéfense, des firmes comme Positive Technologies sont soupçonnées d'être des fournisseurs majeurs d'outils offensifs pour le Kremlin. Une ambiguïté dévoilée par des fuites comme celle des documents internes de Vulkan en 2023, exposant sa collaboration avec le ministère russe de la Défense.
L'Afrique et l'Asie, terres de conquête
Pour compenser les pertes de revenus en Occident, la filière russe de la cybersécurité mise gros sur les marchés africains et asiatiques. Si l'impact économique reste incertain, l'enjeu principal réside dans l'accès à de nouvelles bases de données virales pour rester à la pointe technologiquement.
Pour faire de la sécurité, il faut avoir des données, et il faut avoir des apports extérieurs pour obtenir un large panel.
Marie-Gabrielle Bertran
Un pari ambitieux qui se heurte cependant à des difficultés en termes de ressources humaines. Si l'exode initial des cerveaux semble enrayé selon les autorités, attirer les jeunes talents sur un marché en forte demande reste un défi.
Après le choc des sanctions, l'industrie russe de la cybersécurité joue donc sa survie sur un pivot géographique audacieux. Loin d'être acquise, la reconquête des marchés émergents sera déterminante pour peser encore demain face aux géants occidentaux ou chinois. Un combat à l'issue incertaine qui se joue désormais loin des radars médiatiques.