
Luc Rémont Évincé d’EDF : Bernard Fontana en Vue
Et si un simple désaccord sur le prix de l’électricité pouvait faire tomber un géant ? Ce vendredi 21 mars 2025, l’annonce a secoué le monde de l’énergie : Luc Rémont, PDG d’EDF depuis novembre 2022, a été écarté de son poste par l’Élysée. Une décision brutale, qui met fin à deux années de turbulences marquées par des tensions avec l’État et les industriels français. À sa place, Emmanuel Macron envisage de nommer Bernard Fontana, actuel directeur général de Framatome, pour reprendre les rênes de l’énergéticien public. Mais que s’est-il vraiment passé pour en arriver là ?
Un Divorce Annoncé Entre EDF et l’État
Quand Luc Rémont prend les commandes d’EDF fin 2022, le contexte est explosif. Le parc nucléaire français est à genoux, avec près de la moitié des réacteurs à l’arrêt pour maintenance ou corrosion. L’entreprise, renationalisée à 100 % par l’État en juin 2023, croule sous une dette colossale. Pourtant, en deux ans, Rémont redresse la barre : la production nucléaire rebondit, et EDF affiche un bénéfice record en 2024, avec un dividende de 2 milliards d’euros pour l’État. Alors, pourquoi ce départ précipité ?
La réponse tient en deux mots : **prix électricité**. Depuis des mois, une bataille fait rage entre EDF, l’État et les industriels électro-intensifs. Ces derniers, grands consommateurs d’énergie, reprochent à Rémont une stratégie jugée trop agressive, notamment avec la mise aux enchères des contrats nucléaires. Un choix qui, selon eux, menace leur compétitivité. L’État, actionnaire unique, a fini par trancher, optant pour un changement de cap radical.
Les Industriels Contre-Attaquent
Début mars 2025, EDF annonce une décision qui met le feu aux poudres : les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) seront désormais attribués via des enchères européennes. L’objectif ? Accélérer la vente de l’électricité produite par ses centrales. Mais pour les industriels français, c’est une catastrophe. Ces enchères les placent en concurrence avec des entreprises moins dépendantes de l’énergie, prêtes à payer plus cher sans broncher.
C’est un bras d’honneur à l’industrie française.
– Benoît Bazin, PDG de Saint-Gobain, sur BFM Business
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur les 20 térawattheures (TWh) espérés par l’État, les négociations bilatérales n’ont abouti qu’à 12 TWh, dont une seule signature ferme. Les enchères devaient débloquer la situation, mais elles ont surtout cristallisé les tensions. L’Uniden, qui regroupe les industriels électro-intensifs, a dénoncé un système qui “affaiblit l’industrie française”. Même Bruno Le Maire, ex-ministre de l’Économie, s’est indigné sur les réseaux sociaux.
Un Bilan Mitigé pour Luc Rémont
Difficile de nier les réussites de Rémont. Sous sa direction, EDF a retrouvé des couleurs. La disponibilité du parc nucléaire est passée à 85 % en janvier 2025, un exploit salué par les observateurs. Les travaux préparatoires des six futurs réacteurs EPR2, un chantier titanesque estimé entre 70 et 100 milliards d’euros, ont été lancés. Pourtant, ces avancées n’ont pas suffi à sauver sa tête.
Son tort ? Une posture jugée trop indépendante face à l’État. “Il défendait les intérêts d’EDF avec une fermeté rare, mais ça ne passait plus à Bercy”, confie une source interne. Ajoutez à cela des relations glaciales avec les industriels, et le cocktail devient explosif. Le conseil de politique nucléaire du 17 mars, présidé par Macron, a scellé son sort, exigeant une maîtrise accrue des coûts et des délais – un message que Rémont n’a pas su incarner aux yeux de l’exécutif.
Bernard Fontana : L’Homme du Renouveau ?
Place maintenant à Bernard Fontana. À 64 ans, ce polytechnicien dirige Framatome depuis 2015, une filiale d’EDF spécialisée dans les réacteurs nucléaires. Son CV impressionne : passé par la chimie, l’acier et le ciment, il a redressé Framatome après des années de crise. En mars 2024, il a pris la tête du pôle “Industrie et Services” d’EDF, renforçant son rôle dans la filière nucléaire française.
L’Élysée mise sur son profil industriel pour “projeter EDF vers l’avenir”, selon les mots du Premier ministre François Bayrou. Mais la tâche s’annonce ardue. Fontana devra apaiser les industriels tout en accélérant la relance du nucléaire, un défi stratégique pour la **transition énergétique**. Sa nomination, si elle est validée par le Parlement, pourrait marquer un tournant. Reste à savoir s’il saura naviguer entre les exigences de l’État et les réalités du terrain.
Les Défis du Nucléaire Français
Le nucléaire reste le pilier de la production énergétique française, avec 56 réacteurs en activité. Mais les enjeux sont immenses. Les EPR2, promis par Macron en 2022, doivent voir le jour d’ici 2035, un calendrier serré vu les dérapages passés – Flamanville, par exemple, a accumulé des années de retard et des milliards de surcoûts. Pour EDF, il s’agit de prouver qu’elle peut tenir ses promesses.
Et puis, il y a la question du financement. Avec un coût potentiel de 100 milliards d’euros, les EPR2 nécessitent des ressources colossales. Luc Rémont avait amorcé une stratégie pour rentabiliser EDF, mais son départ relance le débat : comment concilier compétitivité industrielle et ambitions écologiques ? Fontana aura la lourde tâche de trouver cet équilibre.
Une Transition Énergétique sous Tension
La crise entre EDF et les industriels dépasse le simple cas Rémont. Elle illustre les tiraillements d’une France en pleine **transition écologique**. D’un côté, l’État veut une énergie verte et abordable pour relancer l’industrie. De l’autre, EDF doit rester rentable pour financer ses projets. Un paradoxe que ni Rémont ni ses prédécesseurs n’ont pleinement résolu.
Pour les experts, le départ de Rémont ne réglera pas tout. “Le problème est systémique”, analyse un consultant en énergie. “Tant que les rôles entre EDF et l’État ne seront pas clarifiés, les tensions persisteront.” Bernard Fontana, avec son expérience, pourrait apporter une vision plus pragmatique. Mais il hérite d’un dossier brûlant.
Et Après ?
Que retenir de cette saga ? D’abord, que l’énergie reste un terrain miné, où politique, économie et écologie s’entremêlent. Ensuite, que le sort de Luc Rémont, brillant mais contesté, reflète les défis d’un secteur en mutation. Enfin, que Bernard Fontana, s’il est confirmé, devra jouer les équilibristes pour redonner confiance aux industriels tout en portant les ambitions nucléaires de la France.
Le feuilleton EDF est loin d’être terminé. Entre relance du nucléaire, pressions industrielles et impératifs écologiques, l’énergéticien public reste au cœur des débats. Une chose est sûre : demain se fabrique aujourd’hui, et les prochains mois seront décisifs pour l’avenir énergétique français.
Les Enjeux en Quelques Points Clés
Pour mieux comprendre les défis qui attendent Bernard Fontana, voici un résumé des priorités :
- Apaiser les industriels en revoyant la stratégie des contrats nucléaires.
- Accélérer le chantier des EPR2 tout en maîtrisant les coûts.
- Renforcer la rentabilité d’EDF pour financer la transition énergétique.
- Restaurer un dialogue constructif avec l’État actionnaire.
Avec ces enjeux, Fontana n’aura pas le droit à l’erreur. La France, qui mise gros sur le nucléaire pour décarboner son économie, attend des résultats concrets. Le compte à rebours a déjà commencé.