
Luca De Meo : De Renault À Kering, Un Nouveau Défi
Imaginez un dirigeant qui, après avoir redressé une icône de l’automobile française, décide de plonger dans l’univers scintillant du luxe. C’est l’histoire de Luca de Meo, un Italien charismatique dont le départ surprise de Renault pour Kering a secoué le monde des affaires en juin 2025. Cette transition, aussi inattendue qu’audacieuse, soulève une question : peut-on appliquer les recettes du succès industriel au glamour capricieux du luxe ? Cet article explore le parcours de ce leader visionnaire, les défis qui l’attendent chez Kering et les répercussions de son départ pour Renault.
Un Parcours d’Excellence dans l’Automobile
Luca de Meo, né en 1967 à Milan, n’est pas un novice lorsqu’il s’agit de transformer des entreprises. Diplômé en administration des affaires de l’université Bocconi, il a débuté sa carrière chez Renault en 1992, avant de naviguer entre Toyota, Fiat et Volkswagen. Son talent pour le redressement d’entreprises s’est révélé chez Seat, où il a transformé une marque en difficulté en un acteur rentable, notamment grâce au lancement de la marque Cupra. En 2020, il revient chez Renault en pleine tempête, après l’affaire Carlos Ghosn, et orchestre une renaissance spectaculaire.
« À Renault, nous avons relevé des défis que beaucoup pensaient impossibles. Les résultats parlent d’eux-mêmes : ils sont les meilleurs de notre histoire. »
– Luca de Meo, dans une note aux employés de Renault
Sous son égide, Renault a retrouvé une santé financière impressionnante, avec une augmentation de 6 % des revenus en 2021 et un bénéfice net frôlant le milliard d’euros. Son plan Renaulution, articulé en trois phases – résurrection, rénovation, révolution – a repositionné Renault comme un acteur clé de la mobilité électrique, avec l’ambition d’une gamme 100 % électrique d’ici 2030 en Europe.
Pourquoi Quitter Renault au Zénith ?
Le départ de Luca de Meo, annoncé le 15 juin 2025, a provoqué une onde de choc. Alors que Renault dévoilait son plan stratégique Futurama pour les cinq prochaines années, incluant des diversification dans l’industrie de la défense, de Meo a choisi de passer le relais. Pourquoi abandonner un groupe en pleine ascension ? Pour certains analystes, c’est une question de défi personnel. Après avoir stabilisé Renault, il chercherait un nouveau terrain pour appliquer son expertise.
Le choix de Kering, géant du luxe en difficulté, n’est pas anodin. Avec des marques comme Gucci, Yves Saint Laurent et Balenciaga, Kering traverse une passe difficile, marquée par une chute de 12 % de son chiffre d’affaires en 2024 et une dette de plus de 10 milliards d’euros. De Meo, connu pour sa vision stratégique et son sens du marketing, semble être le choix idéal pour François-Henri Pinault, qui conserve son rôle de président tout en cédant la direction générale.
Les Défis de Kering : Un Luxe en Crise
Passer de l’automobile au luxe est un pari audacieux. Le secteur du luxe, bien que prestigieux, est impitoyable. Gucci, qui représente près de la moitié des ventes de Kering, peine à se réinventer après des changements de directeurs artistiques et une baisse de popularité post-pandémie. Les investisseurs, sceptiques, ont vu l’action Kering chuter de 78 % depuis son pic de 2021. Pourtant, l’annonce de l’arrivée de de Meo a fait bondir le titre de 12 % en une journée.
Les défis qui attendent de Meo chez Kering sont multiples :
- Relancer Gucci : Redonner du lustre à la marque phare en misant sur l’innovation et une identité claire.
- Réduire la dette : Gérer un endettement de 10,5 milliards d’euros tout en investissant dans la croissance.
- Renforcer l’équipe dirigeante : Résoudre les tensions internes et consolider une gouvernance efficace.
Analystes et observateurs s’accordent sur un point : l’expérience de de Meo dans la gestion de marques et son approche axée sur le produit pourraient être des atouts majeurs. Cependant, son manque d’expérience dans le luxe suscite des interrogations. Comme le note Luca Solca, analyste chez Bernstein :
« De Meo excelle dans la gestion de marque et le marketing, mais le luxe est un secteur complexe où les attentes des consommateurs sont élevées. »
– Luca Solca, analyste chez Bernstein
Un Héritage Contrasté chez Renault
Chez Renault, l’héritage de Luca de Meo divise. D’un côté, il a stabilisé une entreprise en crise, redoré son image et posé les bases d’une transition vers l’électrique. De l’autre, certains lui reprochent un manque de loyauté en quittant le navire au moment où son plan stratégique devait être mis en œuvre. Les salariés, choqués, s’interrogent sur l’avenir de Renault sans son capitaine.
Le plan Renaulution a certes porté ses fruits, avec une rentabilité record et une gamme de produits compétitive, mais la concurrence chinoise et les incertitudes liées aux tarifs douaniers de 2025 pèsent lourd. Le départ de de Meo pourrait fragiliser Renault à un moment critique, d’autant que son successeur n’a pas encore été nommé.
Un Profil Unique pour un Défi Hors Normes
Ce qui distingue Luca de Meo, c’est sa capacité à s’adapter. Polyglotte, maîtrisant cinq langues, il est reconnu pour sa vision stratégique et son charisme. Sa passion pour les montres suisses de luxe, révélée lors d’un événement Renault en 2022, laisse entrevoir un intérêt personnel pour le secteur du luxe. Mais pourra-t-il transposer ses compétences industrielles dans un univers où l’émotion et l’esthétique priment ?
Pour mieux comprendre son approche, voici un tableau comparatif de ses réalisations dans l’automobile et des attentes chez Kering :
Domaine | Renault (2020-2025) | Kering (dès 2025) |
---|---|---|
Redressement | Stabilisation post-crise Ghosn, rentabilité record | Relance de Gucci, réduction de la dette |
Innovation | Plan Renaulution, focus sur l’électrique | Nouvelles directions artistiques, diversification |
Marketing | Repositionnement des marques Renault et Alpine | Renforcement de l’identité des marques de luxe |
Ce tableau illustre la transversalité des compétences de de Meo, mais aussi les différences fondamentales entre les deux secteurs. Si l’automobile exige rigueur et efficacité, le luxe demande une sensibilité accrue à l’image et à la désirabilité.
Quel Impact pour l’Industrie Française ?
Le départ de Luca de Meo de Renault soulève des questions sur l’avenir de l’industrie manufacturière française. Renault, avec ses 15 % de parts détenues par l’État, est un symbole national. Son départ, perçu comme un « abandon » par certains, intervient dans un contexte où l’industrie automobile européenne fait face à des défis majeurs : concurrence chinoise, électrification forcée d’ici 2035, et pressions réglementaires.
Pour Kering, en revanche, l’arrivée de de Meo pourrait redynamiser un secteur du luxe français en perte de vitesse face à des géants comme LVMH. Son profil d’outsider, loin des cercles traditionnels du luxe, pourrait apporter un vent de fraîcheur, mais aussi des risques.
Les Prochains Pas de Luca de Meo
À partir du 15 septembre 2025, Luca de Meo prendra officiellement les rênes de Kering. Sa première mission sera de stabiliser Gucci, dont les ventes ont chuté de 14 % au premier trimestre 2025. Il devra également travailler avec des directeurs artistiques comme Demna Gvasalia, récemment nommé chez Gucci, pour redéfinir l’identité de la marque. Enfin, sa capacité à gérer une équipe dirigeante complexe, avec des figures comme Francesca Bellettini et Jean-Marc Duplaix, sera cruciale.
Chez Renault, le processus de succession est en cours, avec des noms comme Denis Le Vot (Dacia) ou Maxime Picat (ex-Stellantis) évoqués. L’avenir du groupe dépendra de la capacité de son prochain dirigeant à poursuivre la vision de de Meo tout en affrontant un marché automobile en pleine mutation.
Un Virage Symbolique pour l’Innovation
Le parcours de Luca de Meo illustre une vérité universelle : l’innovation ne se limite pas à un secteur. Qu’il s’agisse de relancer une marque automobile ou de redonner vie à un géant du luxe, les principes restent les mêmes : vision stratégique, compréhension des marques, et une touche d’audace. En passant de Renault à Kering, de Meo incarne une nouvelle génération de leaders capables de transcender les frontières sectorielles.
Son départ de Renault, bien que controversé, ouvre la voie à une réflexion plus large : comment les entreprises françaises, qu’elles soient industrielles ou luxueuses, peuvent-elles s’adapter à un monde en rapide évolution ? Une chose est sûre : les prochains mois seront décisifs, tant pour Kering que pour Renault.
En conclusion, Luca de Meo n’est pas seulement un dirigeant qui change de secteur. Il est le symbole d’une transformation globale, où les compétences de leadership et d’innovation priment sur les frontières traditionnelles. Son succès chez Kering, s’il se concrétise, pourrait redéfinir la manière dont nous percevons les transitions professionnelles. Et si le luxe et l’automobile, finalement, avaient plus en commun qu’on ne le pense ?