L’UE divisée sur le scanneur de CSAM : vers un déploiement ?
Le sujet du scanneur de CSAM (Child Sexual Abuse Material) proposé par la Commission européenne continue de diviser les États membres de l'UE. Malgré l'opposition massive des géants de la tech, d'experts en sécurité et vie privée, ainsi que de défenseurs des libertés numériques, le Conseil de l'UE semble se rapprocher d'un accord qui pourrait ouvrir la voie à un déploiement controversé.
Une proposition qui suscite l'inquiétude
Le projet législatif en question obligerait les applications de messagerie à analyser les photos et vidéos partagées par les utilisateurs via une IA de détection de CSAM. Un véritable cauchemar pour le chiffrement de bout en bout et la confidentialité des échanges, selon ses détracteurs.
Parmi eux, on retrouve les poids lourds comme WhatsApp, mais aussi des acteurs axés sur la vie privée tels que Signal ou Proton. Tous mettent en garde contre les dangers d'une telle mesure :
- Affaiblissement du chiffrement
- Menace pour les libertés fondamentales
- Risque de dérive vers une surveillance généralisée
Imposer l'analyse de masse des communications privées sape fondamentalement le chiffrement. Point final.
- Meredith Whittaker, présidente de Signal
Une efficacité douteuse
Au-delà de l'atteinte à la vie privée, les opposants pointent également le risque d'inefficacité d'un tel dispositif. En effet, les autorités pourraient se retrouver noyées sous des millions de faux positifs générés par des IA imparfaites.
De plus, rien n'empêcherait les criminels de migrer vers des canaux non surveillés. Le bénéfice réel pour la protection de l'enfance serait donc plus que discutable.
Le Conseil proche d'un accord malgré les divisions
Pourtant, malgré ces nombreuses critiques, les ambassadeurs des 27 États membres semblent sur le point de dégager une majorité qualifiée en faveur du texte. La présidence belge a dû retirer le sujet de l'ordre du jour d'une réunion ce jeudi, faute de consensus, mais il s'en est fallu de peu.
Nous sommes extrêmement, extrêmement proches d'une majorité qualifiée. Si un seul pays change d'avis, nous avons une majorité qualifiée et un mandat pour le Conseil.
- Un porte-parole de la représentation permanente de la Belgique auprès de l'UE
Si un accord est trouvé, les négociations pourront s'ouvrir avec le Parlement européen, pourtant lui-même opposé en majorité au texte actuel. Les pressions seront alors fortes pour le convaincre de revenir sur ses positions.
Les défenseurs de la vie privée appellent à la vigilance
Face à cette menace, les partisans du chiffrement et de la confidentialité des échanges refusent tout triomphalisme et exhortent à maintenir la pression sur les décideurs européens.
Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Des propositions contre le chiffrement ont été vaincues par le passé pour mieux resurgir sous une nouvelle forme. Il est vital que les défenseurs de la vie privée restent vigilants.
- Andy Yen, fondateur de Proton
Cette saga du scanneur de CSAM illustre une nouvelle fois la tension entre sécurité et liberté à l'ère numérique. Si la lutte contre les abus sur mineurs est évidemment primordiale, elle ne doit pas se faire au prix d'un recul des droits fondamentaux et d'une fragilisation de tout l'écosystème numérique. Un équilibre délicat que l'UE peine visiblement à trouver sur ce dossier.