L’UE tangue entre confidentialité des données et protection des enfants

L'Europe se retrouve face à un dilemme de taille à l'ère numérique : comment concilier la protection de la vie privée des citoyens avec la nécessité de protéger les mineurs des dangers du web ? Un casse-tête législatif et éthique qui divise institutions et états membres.

Entre marteau et enclume

D'un côté, le RGPD et les régulations ePrivacy ont renforcé le droit à la confidentialité des données personnelles et des communications électroniques. Toute collecte ou traitement doit répondre à des critères stricts de consentement, finalité et proportionnalité.

De l'autre, une pression croissante s'exerce pour mieux protéger les enfants et ados face aux multiples risques en ligne : contenus inappropriés, cyber-harcèlement, sollicitations sexuelles, exposition à des communautés toxiques... Cela implique un certain degré de surveillance et de contrôle.

Des législations contradictoires

Cette contradiction apparaît dans les textes récents. Le Digital Services Act oblige les plateformes à lutter contre les contenus illégaux et préjudiciables, notamment envers les mineurs. Mais le chiffrement de bout en bout généralisé par le Digital Markets Act pourrait justement empêcher la détection de tels abus.

Nous marchons sur une ligne de crête entre deux impératifs légitimes mais difficiles à concilier en pratique : le respect de la vie privée et la protection de l'enfance. Un équilibre précaire qui nécessitera beaucoup de souplesse et de dialogue.

– Brando Benifei, eurodéputé et rapporteur sur le règlement ePrivacy

La Commission semble privilégier une approche au cas par cas, avec de potentielles dérogations sur les contenus pédopornographiques. Mais pour les associations de défense des libertés numériques, c'est la porte ouverte à une surveillance de masse.

Intelligence artificielle : une opportunité et un risque

Les progrès fulgurants de l'IA générative (ChatGPT, Midjourney...) ajoutent une nouvelle dimension. Ces outils pourraient faciliter grandement le repérage de contenus problématiques, sans nécessiter un accès aux données brutes. Mais ils permettent aussi de générer très simplement du matériel pédopornographique ou du revenge porn.

L'Europe devra donc légiférer rapidement pour encadrer ces technologies, en pesant finement bénéfices et risques. Un exercice d'équilibriste qui s'annonce périlleux, au regard des enjeux géopolitiques et économiques...

Retrouver un consensus

Coincée entre le marteau de la confidentialité et l'enclume de la protection des enfants, l'UE peine donc à adopter une ligne claire. Pour sortir de l'impasse, il faudra renouer le dialogue entre institutions, états, société civile et géants de la tech. Afin de définir un cadre à la fois protecteur, proportionné et praticable.

Des pistes existent, à l'image du règlement UK en gestation sur la sécurité des enfants en ligne. Avec des obligations de moyen et non de résultat, un champ d'application ciblé, des codes de bonne conduite... Preuve qu'un équilibre est possible avec volonté et créativité. Espérons que l'Europe relèvera aussi le défi.

• Une obligation pour les plateformes de mettre en place des mesures proactives mais proportionnées de détection et modération des contenus préjudiciables aux mineurs
• Une exemption ciblée et encadrée à l'obligation de chiffrement pour permettre l'analyse automatisée de ces contenus par des outils d'IA
• Des garanties fortes sur la confidentialité et la sécurité des communications privées des adultes, avec un contrôle indépendant