Lyft poursuit San Francisco pour une surtaxe de 100 millions $
Dans un nouveau rebondissement de la saga sur le statut des travailleurs de l'économie des petits boulots, le géant américain du VTC Lyft vient d'attaquer en justice la ville de San Francisco. Le fondement ? Une surtaxation présumée de plus de 100 millions de dollars sur les cinq dernières années, liée à la qualification des revenus des chauffeurs.
Lyft dénonce une qualification fiscale abusive
Dans sa plainte, déposée ce mardi, Lyft maintient que ses chauffeurs sont ses clients et non ses employés. La firme affirme ainsi que ses revenus proviennent des commissions versées par les conducteurs, et non directement des courses payées par les usagers. San Francisco aurait donc, selon Lyft, indûment assimilé à son chiffre d'affaires les montants perçus par les chauffeurs.
En conséquence, Lyft considère que les revenus du covoiturage sont constitués des frais payés à Lyft par les conducteurs, et non des frais payés par les passagers aux conducteurs.
– Extrait de la plainte de Lyft
Le géant du VTC réclame donc le remboursement du trop-perçu par la municipalité, qui s'élèverait à plus de 100 millions de dollars sur la période 2019-2023. Un montant conséquent qui illustre l'ampleur des enjeux financiers liés au statut des travailleurs des plateformes.
La Proposition 22 au cœur du débat
Ce litige fiscal s'inscrit dans la lignée du bras de fer engagé depuis plusieurs années en Californie sur la classification des chauffeurs VTC. Lyft, comme son concurrent Uber, milite ardemment pour que ceux-ci conservent un statut d'indépendant et ne soient pas requalifiés en salariés.
Un combat qui a connu un tournant majeur en 2020 avec l'adoption de la Proposition 22. Ce texte, soutenu par Lyft, Uber et d'autres acteurs comme DoorDash, permet aux plateformes de continuer à traiter leurs chauffeurs et livreurs en prestataires autonomes. Et ce, en échange de certaines compensations comme un revenu minimum ou une assurance santé, bien en-deçà cependant des avantages d'un contrat salarié.
Le modèle économique et social de Lyft dépend donc fortement du maintien de ce statut plus flexible et moins coûteux que le salariat. On comprend mieux, dès lors, l'enjeu crucial pour la firme de faire reconnaître que l'essentiel des sommes versées par les clients revient aux chauffeurs, et échappe de ce fait à sa propre imposition.
Une situation encore incertaine
Malgré la victoire des plateformes avec la Proposition 22, la pression ne faiblit pas pour une meilleure protection sociale de leurs travailleurs. La Proposition 22 reste controversée et plusieurs procédures judiciaires sont en cours pour la remettre en cause, notamment au niveau fédéral.
Les pratiques fiscales des entreprises technologiques sont aussi de plus en plus dans le viseur des autorités et de l'opinion. Lyft et Uber ont déjà fait l'objet de redressements fiscaux dans plusieurs pays comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
Bref, le feuilleton est encore loin d'être terminé. Et l'attaque en justice de Lyft contre San Francisco montre que la firme est déterminée à défendre bec et ongles l'architecture fiscale et sociale sur laquelle repose son activité. Affaire à suivre, donc, avec de potentielles répercussions bien au-delà de la Californie sur le futur du travail à l'ère numérique.