
Matériaux Biosourcés : Une Révolution Silencieuse ?
Imaginez un chantier où le béton cède la place à des fibres végétales, où les murs respirent la nature autant qu’ils protègent. En 2025, cette vision n’est plus une utopie : les matériaux biosourcés, issus de ressources renouvelables comme le chanvre ou la paille, redessinent l’avenir de la construction. Mais alors que les usines tournent à plein régime, une question flotte dans l’air : la filière a-t-elle vu trop grand, trop vite ?
Quand la Construction Verte Prend Racine
Le secteur des matériaux biosourcés ne cesse de croître, porté par une prise de conscience écologique et des réglementations ambitieuses. En 2023, 28,2 millions de mètres carrés de ces matériaux ont été posés en France, contre une capacité de production annuelle de 60 millions. Une différence qui pourrait inquiéter, mais pas les industriels, qui y voient une opportunité.
Une filière prête à relever les défis
Avec 19 usines, dont 17 sur le sol français, la filière biosourcée s’est structurée pour répondre à une demande en pleine explosion. Vincent Hannecart, président de l’Association des industriels de la construction biosourcée (AICB), l’affirme avec assurance :
« La filière s’est mise en ordre pour répondre aux exigences réglementaires avec ses capacités de production. »
– Vincent Hannecart, président de l’AICB
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 4000 emplois, 92 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, et des investissements massifs de 150 millions d’euros depuis 2020. L’objectif ? Atteindre 230 millions d’ici 2030, avec un focus sur l’innovation et la compétitivité.
RE2020 : un tremplin ou un frein ?
La réglementation environnementale **RE2020**, en vigueur depuis 2022, place les matériaux biosourcés au cœur de la construction neuve. Elle évalue l’impact carbone sur tout le cycle de vie des bâtiments, favorisant ainsi les solutions vertes. Mais un vent d’incertitude souffle depuis mars 2025, avec l’annonce par la ministre du Logement, Valérie Létard, d’une réévaluation des seuils prévus pour 2028 et 2031.
Pour Yves Hustache, délégué général de l’AICB, cette révision est scrutée de près. « Nous serons vigilants, car nos capacités sont là », insiste-t-il. Une simplification trop radicale pourrait ralentir l’élan, mais les industriels restent optimistes.
L’essor fulgurant des isolants biosourcés
Entre 2016 et 2023, les ventes de matériaux biosourcés ont bondi de **95 % en volume** et 55 % en valeur. Aujourd’hui, ils représentent 11 % du marché de l’isolation, contre 1 % il y a huit ans. Les isolants semi-rigides et en vrac dominent, couvrant 90 % des surfaces posées, loin devant les bétons biosourcés.
Comment expliquer ce succès ? Une combinaison de coûts énergétiques réduits pour la transformation et une pose simplifiée, qui limite les frais de main-d’œuvre. « On est sortis de l’adolescence », plaisante Vincent Hannecart.
Le hors-site : la prochaine révolution ?
Les industriels misent aussi sur la construction **hors-site**, où les éléments sont préfabriqués en usine avant assemblage sur chantier. Une méthode qui pourrait faire décoller la demande. « Sur le neuf, on changera d’échelle grâce au hors-site », prédit Hannecart, appuyé par un rapprochement avec les acteurs de cette filière.
Fin 2024, de nouvelles règles professionnelles sur le béton de chanvre, la paille ou la terre crue ont aussi vu le jour, renforçant la crédibilité technique de ces solutions.
Changer les mentalités, un défi persistant
Pourtant, tout n’est pas gagné. L’Ademe, dans une note de mars 2025, pointe un obstacle majeur : la perception. Florian Rollin, ingénieur spécialisé, résume :
« Une isolation en paille enduite n’est pas moins résistante au feu, et un vélo biosourcé peut surpasser son équivalent classique. »
– Florian Rollin, ingénieur à l’Ademe
La France, avec ses vastes forêts et ses cultures de lin et de chanvre (1er et 3e producteurs mondiaux), a tout pour dominer ce marché. Mais il faut convaincre les professionnels et le grand public.
Des acteurs clés qui innovent
Parmi les pionniers, **Cavac Biomatériaux** se distingue. Basée en Vendée, cette entreprise a investi dans une usine dédiée aux panneaux isolants en chanvre. Ailleurs, Saint-Gobain, via sa marque Isover, explore des isolants à base de coton recyclé. Ces initiatives incarnent une dynamique d’innovation.
Leurs points forts ? Une production locale, des matériaux renouvelables et une empreinte carbone réduite. Un modèle que d’autres startups pourraient bientôt imiter.
Les chiffres qui racontent une ambition
Pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène, voici un aperçu des données clés :
- Capacité de production : 60 millions de m² par an.
- Surfaces posées en 2023 : 28,2 millions de m².
- Investissements depuis 2020 : 150 millions d’euros.
- Part de marché dans l’isolation : 11 % en 2023.
Ces chiffres traduisent une filière en pleine maturité, mais qui doit encore ajuster ses ambitions aux réalités du marché.
Un avenir vert, mais à quel rythme ?
Entre la loi Climat et Résilience, qui imposera dès 2030 l’usage de matériaux biosourcés dans 25 % des rénovations publiques lourdes, et les avancées technologiques, le potentiel est immense. Pourtant, la surcapacité actuelle interroge : la demande suivra-t-elle l’offre ?
Pour les industriels, la réponse est claire : il s’agit d’anticiper, d’innover et de s’adapter. La révolution verte est en marche, et elle pourrait bien transformer nos bâtiments en alliés de la planète.