MBAs en VC : une révolution des profils ?
Chaque année, des milliers d’étudiants investissent des fortunes dans des programmes MBA prestigieux, rêvant d’une carrière dans le capital-risque. Mais est-ce toujours la voie royale ? Longtemps, les diplômés des grandes écoles de commerce comme Harvard ou Stanford ont dominé le secteur du venture capital (VC). Aujourd’hui, une transformation s’opère : les profils techniques, issus de l’engineering ou de l’artificial intelligence, gagnent du terrain. Pourquoi ce changement, et qu’implique-t-il pour l’avenir des startups et de leurs investisseurs ?
Une transition dans le recrutement en capital-risque
Le capital-risque a longtemps été le terrain de jeu des MBAs. Ces diplômés, formés à l’analyse financière, à la stratégie et au management, semblaient être les candidats idéaux pour évaluer les startups et prendre des décisions d’investissement. Cependant, les données récentes montrent une évolution. Selon une étude de l’université de Stanford, 44 % des professionnels du VC à mi-carrière possédaient un MBA au début des années 2000, contre seulement 32 % aujourd’hui. Cette baisse reflète un changement dans les besoins des fonds d’investissement.
Les fonds VC se tournent désormais vers des secteurs comme l’intelligence artificielle, le hardware ou encore la biotechnologie, où une expertise technique est cruciale. Les investisseurs doivent comprendre les produits qu’ils financent, et un MBA ne suffit plus toujours à décrypter une technologie complexe.
Pourquoi les MBAs perdent du terrain
Le virage vers des profils plus techniques s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les startups technologiques dominent aujourd’hui le marché. Des entreprises comme OpenAI ou SpaceX redéfinissent les industries, et leurs produits nécessitent une compréhension approfondie des technologies sous-jacentes. Les investisseurs doivent évaluer non seulement le potentiel commercial, mais aussi la faisabilité technique.
Il y a moins d’appétit pour les MBAs aujourd’hui. Les fonds recherchent des profils capables de comprendre les technologies de pointe.
– Will Champagne, recruteur exécutif
Ensuite, la concurrence dans le secteur du VC s’intensifie. Les fonds doivent se différencier pour attirer les meilleures startups. Un investisseur avec une expérience opérationnelle dans une entreprise technologique peut apporter une valeur ajoutée, comme un réseau ou une expertise sectorielle, bien au-delà des compétences acquises en école de commerce.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
Les grandes écoles de commerce continuent de placer leurs diplômés dans le VC, mais les chiffres montrent une diversification. En 2024, Harvard a placé 50 de ses 1 004 diplômés MBA dans des rôles en capital-risque, avec un salaire médian de départ de 177 500 dollars. Stanford, avec une cohorte plus petite, en a placé une trentaine. Ces chiffres restent impressionnants, mais ils masquent une réalité : les profils non-MBA gagnent du terrain.
Plus de 10 000 anciens élèves de Harvard, Stanford et Wharton occupent aujourd’hui des postes de direction dans des fonds VC aux États-Unis. Cependant, les recruteurs privilégient de plus en plus des candidats issus d’entreprises technologiques de pointe, capables d’apporter une vision opérationnelle.
Les étudiants persistent malgré les coûts
Malgré cette évolution, les étudiants continuent de voir le MBA comme un sésame pour le VC. À Stanford, le VC Club compte 600 membres sur environ 850 étudiants MBA. Pourtant, le coût d’un tel diplôme est exorbitant : plus de 200 000 dollars pour un programme dans une école d’élite. Ce pari financier repose sur l’espoir d’accéder à des carrières lucratives, mais les attentes des étudiants ne correspondent pas toujours aux réalités du marché.
Les jeunes diplômés doivent désormais se démarquer dans un environnement où les compétences techniques et l’expérience opérationnelle priment. Les fonds VC recherchent des profils hybrides, capables de combiner vision stratégique et expertise technique.
Quelles compétences pour l’avenir du VC ?
Les fonds d’investissement redéfinissent leurs critères de recrutement. Voici les compétences les plus recherchées aujourd’hui :
- Expertise technique dans des domaines comme l’IA ou le hardware.
- Expérience opérationnelle dans des startups ou entreprises technologiques.
- Capacité à évaluer la faisabilité technologique des produits.
- Réseaux dans des secteurs innovants comme la biotech ou l’énergie verte.
Ces compétences permettent aux investisseurs de mieux accompagner les startups qu’ils financent. Un ancien ingénieur d’OpenAI, par exemple, peut non seulement évaluer une technologie, mais aussi conseiller les fondateurs sur des défis techniques.
Vers un équilibre entre MBAs et profils techniques
Les MBAs ne sont pas obsolètes, loin de là. Leur formation en stratégie et finance reste précieuse pour structurer des deals et gérer des portefeuilles. Cependant, les fonds VC adoptent une approche plus équilibrée, combinant les compétences des MBAs avec celles des experts techniques.
Le futur du capital-risque repose sur la diversité des profils. Les MBAs et les ingénieurs doivent collaborer pour maximiser la valeur.
– Ilya Strebulaev, professeur à Stanford
Cette collaboration pourrait redéfinir le rôle des investisseurs. Les fonds qui réussissent seront ceux capables d’intégrer des profils variés, alliant vision stratégique et expertise technique.
Les implications pour les startups
Pour les startups, ce changement est une aubaine. Les investisseurs techniques comprennent mieux leurs défis et peuvent offrir un accompagnement plus précis. Par exemple, un VC avec une expérience en hardware peut aider une startup à optimiser sa chaîne de production, tandis qu’un expert en IA peut conseiller sur les algorithmes.
Cependant, les startups doivent aussi s’adapter. Les fondateurs devront démontrer non seulement un potentiel commercial, mais aussi une robustesse technique pour convaincre ces nouveaux profils d’investisseurs.
Conclusion : un avenir hybride pour le VC
Le monde du capital-risque est en pleine mutation. Les MBAs, bien que toujours influents, partagent désormais la scène avec des profils techniques. Cette diversification reflète l’évolution des startups elles-mêmes, qui exigent des investisseurs capables de comprendre des technologies complexes. Pour les étudiants, les professionnels et les fondateurs, une chose est claire : l’avenir du VC sera hybride, mêlant stratégie, finance et expertise technique.
Alors, le MBA est-il toujours la clé du succès en VC ? Peut-être, mais il devra désormais cohabiter avec des compétences plus spécialisées. Une chose est sûre : le secteur n’a jamais été aussi dynamique.