
McKinsey règle un litige de 650 M$ lié à la crise des opioïdes
C'est un accord à 650 millions de dollars qui vient clore un des chapitres les plus sombres de l'histoire du cabinet McKinsey. Le géant américain du conseil a accepté vendredi de payer cette somme colossale pour mettre fin à des poursuites sur son rôle dans la crise des opioïdes qui ravage les États-Unis depuis plus de 20 ans. McKinsey était accusé d'avoir activement conseillé le laboratoire pharmaceutique Purdue Pharma pour doper les ventes de son antidouleur vedette, l'OxyContin, tout en minimisant les risques de dépendance.
McKinsey, un acteur clé du scandale des opioïdes
L'affaire remonte aux années 2000 quand Purdue Pharma, propriété de la richissime famille Sackler, engage McKinsey pour l'aider à relancer les ventes de l'OxyContin. Ce puissant antalgique à base d'oxycodone, commercialisé depuis 1996, rencontre alors un succès fulgurant. Mais des voix commencent à s'élever sur son potentiel addictif.
C'est là qu'intervient McKinsey. Selon les documents de justice, le cabinet va multiplier les recommandations pour pousser les médecins à prescrire massivement l'OxyContin, tout en aidant Purdue à minimiser les risques. Parmi les conseils prodigués : cibler les praticiens les plus gros prescripteurs, insister sur la prétendue sécurité du médicament, faire pression sur la FDA (agence du médicament)...
Les documents judiciaires brossent le tableau d'un cabinet de conseil obsédé par l'augmentation des profits et des parts de marché, et ce par tous les moyens.
650 M$ pour tourner la page, mais à quel prix ?
Face à l'ampleur du scandale sanitaire (près de 500 000 morts par overdose depuis 1999 selon les CDC), McKinsey a préféré régler à l'amiable. Avec cet accord à 650 M$, le cabinet espère refermer ce chapitre peu glorieux. Mais peut-on vraiment effacer une telle responsabilité morale d'un trait de plume ?
Car l'addition est lourde pour McKinsey, et pas seulement financièrement. C'est toute l'éthique et la réputation du cabinet qui sont entachées. Difficile dans ces conditions de continuer à se présenter comme un parangon de vertu et de rigueur. Les révélations ont jeté une lumière crue sur les dérives d'un système prêt à tout pour générer du profit.
McKinsey a beau promettre d'avoir tiré les leçons et de ne plus jamais travailler pour des laboratoires d'opioïdes, le mal est fait. Cette affaire laissera des traces durables sur l'image du conseil et une interrogation : jusqu'où peut-on aller au nom du business ? Un questionnement qui dépasse largement le seul cas McKinsey.
Au-delà de McKinsey, un système à repenser
Le scandale des opioïdes met en lumière les dérives potentielles de tout un écosystème. Laboratoires pharmaceutiques obnubilés par les profits, agences de régulation trop conciliantes, systèmes de santé favorisant la surprescription... C'est toute une chaîne de responsabilités qui est pointée du doigt.
Dans ce contexte, le monde du conseil ne peut s'exonérer d'une réflexion de fond. Au-delà du cas McKinsey, c'est le rôle et l'éthique des cabinets qui sont questionnés. Comment s'assurer que le conseil reste un outil d'aide à la décision éclairée et responsable, et non une machine à maximiser les profits sans considération des conséquences ?
Il y a urgence à se repencher sur les principes fondamentaux du conseil : l'indépendance, l'objectivité, l'intégrité. Des valeurs bousculées par l'affaire McKinsey, qui appelle une refonte profonde des pratiques. Certains évoquent la nécessité d'un "serment d'Hippocrate" pour les consultants.
Une chose est sûre : l'industrie du conseil ne peut rester sourde face à ce signal d'alarme. L'enjeu n'est autre que la confiance dans un secteur qui se veut un partenaire privilégié des décideurs. Confiance des clients, mais aussi confiance de la société dans son ensemble. Car c'est bien la responsabilité sociale et morale des entreprises qui est en jeu.
Le chemin sera long pour restaurer la réputation du conseil et prouver sa valeur ajoutée, au service de l'intérêt général. Cela passera par une remise en question sans concession et des engagements forts. Le défi s'annonce immense, mais il en va de la crédibilité d'un secteur tout entier. McKinsey a payé le prix fort, il appartient désormais à la profession d'en tirer toutes les leçons.