Michael Burry contre Nvidia : la bulle IA va-t-elle éclater ?
Imaginez la scène : pendant que les Américains découpent leur dinde de Thanksgiving, un homme, seul devant son écran, tape des tweets qui font trembler Wall Street. Cet homme, c’est Michael Burry. Celui qui avait vu venir la crise des subprimes en 2008. Aujourd’hui, il a un nouvel ennemi : Nvidia, le roi incontesté de l’intelligence artificielle. Et cette fois, il ne se contente plus de parier en silence.
Michael Burry passe à l’offensive ouverte contre l’empire Nvidia
Novembre 2025. Nvidia pèse 4 500 milliards de dollars et vient de publier des résultats encore une fois stratosphériques. Pourtant, depuis quelques semaines, ses actions vacillent. La raison ? Un investisseur légendaire répète inlassablement que tout cela n’est qu’une gigantesque illusion. Et des dizaines de milliers de personnes commencent à l’écouter religieusement.
Burry ne se contente plus de positions short discrètes. Il a fermé son fonds Scion Asset Management pour s’affranchir des contraintes réglementaires de la SEC. Résultat : il peut désormais parler librement. Et il parle. Beaucoup. Sur X, puis sur son nouveau Substack payant « Cassandra Unchained » lancé il y a moins d’une semaine et qui compte déjà plus de 90 000 abonnés à 400 dollars par an.
Les trois accusations principales de Burry
Burry ne se contente pas de dire « c’est une bulle ». Il apporte des chiffres, des comparaisons historiques et des mécanismes précis. Voici ses trois coups de boutoir les plus violents :
- La compensation en actions de Nvidia aurait déjà coûté 112,5 milliards de dollars aux actionnaires, soit l’équivalent de 50 % des bénéfices détournés.
- Les clients de Nvidia (Meta, Microsoft, Google…) gonfleraient artificiellement la durée de vie utile de leurs GPU pour justifier des dépenses d’investissement démentielles et lisser leurs comptes.
- Le financement serait en partie circulaire : les hyperscalers seraient « financés par leurs dealers », c’est-à-dire que Nvidia et ses partenaires prêteurs faciliteraient l’endettement massif pour acheter… encore plus de puces Nvidia.
« Ce n’est pas Enron, c’est Cisco en 1999-2000. On a sur-construit une infrastructure dont personne n’a réellement besoin aujourd’hui. »
– Michael Burry, novembre 2025
Nvidia obligé de publier un mémo de sept pages pour se défendre
Preuve que l’attaque porte : Nvidia a envoyé un document exceptionnel de sept pages aux analystes de Wall Street pour démonter point par point les calculs de Burry. Le géant des puces conteste le chiffre des 112 milliards (ce serait 91 milliards une fois corrigé des taxes sur les RSU) et assure que sa politique de rémunération en actions est parfaitement dans la norme du secteur.
Mais le simple fait qu’une entreprise de 4 500 milliards de dollars se sente obligée de répondre publiquement à un investisseur individuel est déjà une victoire symbolique énorme pour Burry.
Un précédent historique inquiétant : le « short activist » peut-il créer la panique ?
L’histoire boursière regorge d’exemples où un short seller célèbre a accéléré, voire déclenché, l’effondrement qu’il prédisait :
- Jim Chanos et Enron en 2001
- David Einhorn et Lehman Brothers en 2008
- Andrew Left et plus récemment certaines valeurs meme
Dans chaque cas, les problèmes existaient déjà. Mais la voix crédible et médiatisée d’un critique a donné « la permission » aux autres investisseurs de douter. Et la spirale s’est enclenchée.
Aujourd’hui, Burry possède exactement ce dont ses prédécesseurs rêvaient : une audience directe, massive et fidèle, sans filtre ni contrainte réglementaire.
Le parcours en montagnes russes de Michael Burry
Il est important de rappeler que Burry n’a pas toujours eu raison depuis 2008. Loin de là.
Il a raté la majeure partie du bull market post-crise. Il a vendu GameStop bien trop tôt. Il a perdu des fortunes en shortant Tesla. Ses investisseurs l’ont quitté en masse pendant des années à cause de performances décevantes.
Mais quand il a raison… il a vraiment raison. Et très fort. Sa prédiction des subprimes reste l’une des plus belles performances de l’histoire de la finance.
« Les gens me traitent de permabear. Pourtant quand je vois une bulle, je la vois. Et là, je la vois. »
– Michael Burry, extrait de Cassandra Unchained
Les signaux qui commencent à donner raison à Burry
Même si Nvidia continue d’afficher une croissance insolente, certains indicateurs deviennent inquiétants :
- Le ratio cours/bénéfice forward de Nvidia dépasse désormais les 50 (historiquement très élevé)
- Les dépenses d’investissement des grands clients (Meta, Google, Microsoft) commencent à montrer des signes d’essoufflement
- La concurrence se réveille : AMD, Intel, mais aussi les puces custom d’Amazon, Google et bientôt OpenAI
- Les premiers retours d’expérience montrent que beaucoup de GPU restent sous-utilisés
Et si Burry avait (en partie) raison… mais trop tôt ?
C’est le grand débat actuel dans les cercles financiers. L’IA va certainement transformer le monde. Mais à quel rythme ? Et surtout : les valorisations actuelles intègrent-elles déjà vingt ans de croissance future ?
Comme pour Internet en 2000, il est possible que la technologie soit révolutionnaire… mais que les valorisations soient complètement déconnectées de la réalité économique à court et moyen terme.
Burry ne dit pas que l’IA est une arnaque. Il dit que nous sommes en train de reproduire exactement les excès qui ont conduit au krach Internet : surinvestissement massif, comptabilité créative, financement circulaire et storytelling débridé.
Que retenir de cet affrontement titanesque ?
Peu importe l’issue, cet épisode est fascinant à plusieurs titres :
- Un investisseur individuel peut encore faire trembler les géants grâce aux réseaux sociaux
- La frontière entre analyse fondamentale et prophétie autoréalisatrice n’a jamais été aussi fine
- Les valorisations actuelles de l’IA reposent sur une foi quasi religieuse dans la croissance future
Burry a peut-être tort sur le timing. Il a peut-être tort sur l’ampleur. Mais il pose les bonnes questions. Et dans un marché où plus personne n’ose douter, c’est déjà énorme.
La seule certitude ? Les prochains mois risquent d’être passionnants… et potentiellement très douloureux pour ceux qui ont tout misé sur l’invincibilité de Nvidia.
Comme l’écrivait Warren Buffett : « Soyez craintif quand les autres sont avides, et avide seulement quand les autres sont craintifs. » Aujourd’hui, presque tout le monde est avide d’IA. Michael Burry, lui, est terrifié. L’histoire nous dira qui avait raison.