Microsoft Règle Litige Antitrust avec Fournisseurs Cloud Européens
C'est un dénouement inattendu dans le conflit qui opposait Microsoft à plusieurs fournisseurs cloud européens depuis près de deux ans. Le géant américain vient en effet de trouver un accord avec l'association professionnelle CISPE (Cloud Infrastructure Services Providers in Europe) qui avait déposé une plainte pour abus de position dominante auprès de la Commission Européenne en 2022. Retour sur cette affaire aux multiples rebondissements et aux réactions contrastées.
Rappel des faits : une plainte antitrust qui fait du bruit
Tout commence en 2019 lorsque Microsoft modifie ses conditions de licence pour ses logiciels d'entreprise. Concrètement, l'éditeur rend plus coûteux l'utilisation de ses produits phares comme Office ou Windows Server sur les clouds concurrents à Azure. Une pratique jugée anticoncurrentielle par certains acteurs européens du cloud computing, qui se regroupent alors au sein de l'association CISPE pour porter plainte auprès de Bruxelles.
Selon eux, Microsoft abuse de sa position ultra dominante sur le marché des logiciels pour forcer la migration des clients vers son propre cloud, au détriment d'alternatives européennes. La plainte, déposée officiellement en novembre 2022, fait grand bruit et place Microsoft dans une position délicate, déjà visé par d'autres procédures antitrust.
Microsoft tend la main à CISPE
Pour éviter un long bras de fer juridique, Microsoft entame des discussions avec CISPE dès avril 2023 afin de trouver un terrain d'entente. Après 15 mois de négociations, un accord est finalement annoncé ce mercredi. Il comprend plusieurs engagements de la part de Microsoft :
- Sortie d'une version améliorée d'Azure Stack HCI pour les clouds européens, incluant notamment la virtualisation de postes Windows 11.
- Mises à jour de sécurité gratuites et licensing à l'usage pour SQL Server sur ces plateformes.
- Création d'un "Cloud Observatory" indépendant pour évaluer la mise en place des changements (sous 9 mois).
En échange, CISPE accepte de retirer sa plainte auprès de la Commission, tout en se réservant le droit de la réactiver si les engagements ne sont pas tenus. L'association salue "une victoire significative" permettant d'établir des règles du jeu équitables pour les clouds européens.
Un accord en demi-teinte qui ne convainc pas tout le monde
Si l'accord est historique, il soulève aussi des critiques et des interrogations. Tout d'abord sur son périmètre : il ne concerne en effet que les membres de CISPE ayant participé aux négociations, excluant de fait les géants Amazon et Google. Ces derniers dénoncent un accord au rabais et réclament des changements applicables à tous les acteurs.
Le fait que Microsoft fasse ces changements uniquement pour certains membres de CISPE montre qu'il n'y a pas de barrières techniques à une mise à disposition plus large de ses logiciels.
– Un porte-parole d'AWS
D'autres comme le CFSL (Coalition for Fair Software Licensing) estiment que l'entente ne règle pas le fond du problème et appellent à des remèdes globaux contre les pratiques anticoncurrentielles de Microsoft en matière de licensing logiciel.
Et maintenant ? Des régulateurs toujours à l'affût
Malgré cet accord, Microsoft n'est pas tiré d'affaire pour autant. Le groupe reste dans le collimateur de plusieurs autorités de la concurrence, notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui examinent ses pratiques de vente liée entre logiciels et cloud. Des procédures qui pourraient déboucher sur des sanctions ou des engagements contraignants.
Microsoft devra donc redoubler de prudence et de transparence s'il veut éviter de nouveaux démêlés avec les régulateurs. Car au-delà de son cas particulier, c'est tout le secteur du cloud qui est en train de se restructurer sous la pression des autorités et d'acteurs locaux cherchant à rééquilibrer le rapport de force avec les géants américains. Une tendance de fond qui ne fait sans doute que commencer et qui promet encore de nombreux rebondissements.